Gouvernement du Nouveau-Brunswick

L'Honorable Gérard La Forest et Monsieur le juge Graydon Nicholas

Mars 1999

Groupe de travail sur les questions autochtones
Monsieur le juge Gérard La Forest, facilitateur
Monsieur le juge Graydon Nicholas, facilitateur
Nicole Picot, conseillère principale
Doreen Saulis, consultante
Terry Ouellette, gestionnaire du bureau

Table des matières

Introduction

 

Nous avons le plaisir de présenter le rapport final du Groupe de travail sur les questions autochtones. L'expérience que nous avons vécue en animant un processus qui, nous l'espérons, entraînera une amélioration des relations entre le gouvernement provincial et la population autochtone du Nouveau-Brunswick a été à la fois fascinante et frustrante. Après avoir rencontré des douzaines de groupes qui composaient un échantillon important de la société néo-brunswickoise, nous avons achevé notre tâche avec l'espoir qu'un dialogue constructif nécessaire entre la population autochtone et le gouvernement provincial est possible.

Nous déposons le présent rapport en étant bien conscients de ses limites; les personnes qui liront les pages qui suivent dans le but d'y trouver une formule qui résoudra par magie des différends de vieille date entre le gouvernement provincial et nos premières nations seront déçues. Toutefois, nous espérons que celles qui sont à la recherche de moyens qui permettront de commencer à panser les plaies d'une relation qui a souffert trouveront nos recommandations utiles.

Contexte

Avec le recul de l'histoire, le Nouveau-Brunswick ne peut s'arroger quelque succès particulier dans ses relations avec la population autochtone de la province; cependant, on ne peut affirmer pour autant que les efforts déployés par le Nouveau-Brunswick se soient soldés par un échec retentissant. Dans son rapport exhaustif rédigé en janvier 1995 pour la Commission royale sur les peuples autochtones, lequel s'intitule The Case of New Brunswick-Aboriginal Relations, David Milne affirme que les relations entre le Nouveau-Brunswick et la population autochtone ressemblent à bien des égards à celles qui règnent dans la plupart des autres provinces canadiennes et qui se caractérisent par la circonspection et par les hésitations à agir avec énergie de la part du gouvernement provincial relativement aux questions autochtones, ainsi que par la frustration de la population autochtone à l'égard de la lenteur avec laquelle les changements se font. Le document de M. Milne fournit d'excellents renseignements historiques sur la nature des relations entre les collectivités autochtones et le gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick.

Comme la plupart des provinces, le Nouveau-Brunswick s'en remet aux autorités fédérales en ce qui concerne les questions de compétence et de responsabilité financière, en raison du devoir fiduciaire qu'a le gouvernement fédéral à l'égard des Autochtones de la province. De son côté, les premières nations invoquent le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle, 1867 qui établit clairement la responsabilité du fédéral à l'égard de la population et des terres autochtones. Lorsque les problèmes ont semblé insolubles, le gouvernement provincial et la collectivité autochtone ont tous deux cherché des solutions en s'adressant aux tribunaux. De plus, étant donné la philosophie égalitaire du gouvernement et de la fonction publique, les autorités provinciales ont hésité à mettre en œuvre des « programmes spéciaux » ou à favoriser l'élaboration d'une politique ou d'un cadre stratégique qui pourrait être perçu comme avantageux pour les Autochtones.

Les tentatives communes de régler les problèmes ont connu des succès mitigés dans certains secteurs, notamment dans les services sociaux et l'éducation, et les relations entre le gouvernement provincial et la population autochtone ont été très tendues au cours des dernières années. Un certain nombre d'événements ont contribué à créer le climat de confrontation et de méfiance qui existe à l'heure actuelle : la défaite de l'Accord de Charlottetown en 1993, l'enchâssement dans la constitution du projet de loi 88 qui reconnaît l'égalité des collectivités francophone et anglophone de la province mais qui passe sous silence le droit des Autochtones à l'autonomie gouvernementale, le refus du gouvernement provincial de permettre l'établissement de casinos dans les réserves ainsi que le débat acrimonieux au sujet de la taxe de vente provinciale.

Du point de vue d'un Autochtone du Nouveau-Brunswick, les mots prononcés par le chef Albert Levi en 1993 peuvent encore avoir des accents de vérité : « Les paroles du gouvernement ont le goût du sucre, mais elles laissent dans la bouche des Indiens un arrière-goût très, très amer. »

Il ne faut donc pas se surprendre du fait que les Autochtones du Nouveau-Brunswick ont senti renaître l'espoir par suite de la décision rendue le 28 octobre 1997 par le juge Turnbull de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick dans l'affaire R. c. Thomas Peter Paul, laquelle leur permettait de récolter du bois sur les terres de la Couronne.

 

De la première nation micmaque de Fort Folly à la première nation malécite de Madawaska, les collectivités autochtones ont vu une ouverture dans un domaine qui leur avait été interdit jusqu'alors pour une raison ou une autre. Les bûcherons autochtones vivant à l'intérieur et à l'extérieur des réserves se sont mis au travail; certains d'entre eux occupaient pour la première fois un emploi rémunérateur, tandis que d'autres ont commencé à mettre en valeur leur expérience en vue de tirer profit de perspectives à plus long terme.

Au cours de l'hiver 1997-1998, le gouvernement provincial a interjeté appel de la décision du juge Turnbull, mais il a par ailleurs reconnu que le statu quo n'était plus acceptable, tant aux yeux des Autochtones qu'à ceux des autres citoyens de la province.

À l'échelle nationale, Jane Stewart, ministre fédérale des Affaires indiennes et du Nord canadien, a fait un geste historique en janvier 1998 lorsqu'elle a rendu public un document intitulé Rassembler nos forces dans le cadre de la réponse du gouvernement fédéral au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996). Dans sa déclaration, la ministre a indiqué que le moment était venu pour le gouvernement de renoncer officiellement à son attitude paternaliste et irrespectueuse et de s'engager à changer la nature des relations entre les populations autochtones et non autochtones du Canada.

Mais la déclaration de réconciliation qui a suivi de la part du gouvernement fédéral a représenté un tournant encore plus radical. C'est dans ce contexte marqué par l'admission des fautes passées et le désir de renouer des relations qui s'étaient détériorées que le gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick a commencé à examiner la question complexe de la récolte du bois sur les terres de la Couronne par les Autochtones.

La forêt en état de crise

Au début de mai 1998, le premier ministre d'alors, M. J. Raymond Frenette, nous a demandé d'agir à titre de facilitateurs d'un processus visant à améliorer les relations entre les collectivités autochtones de la province et le gouvernement provincial.

Ces relations, qui étaient difficiles même à leur mieux, étaient devenues de plus en plus tendues à la suite de la décision du juge Turnbull. Un certain nombre d'Autochtones néo-brunswickois ont non seulement cru que cette décision leur donnait la possibilité de récolter en toute légitimité des arbres sur les terres de la Couronne, mais ils ont aussi senti qu'ils pouvaient être parties prenantes à une économie qui les avait tenus en grande partie à l'écart jusqu'à ce moment-là. D'autres Néo-Brunswickois, en particulier ceux qui possédaient des intérêts commerciaux dans l'industrie forestière, se faisaient une toute autre opinion de la décision du juge Turnbull. Certains y ont perçu une ouverture dans la gestion par ailleurs rigide des terres de la Couronne au Nouveau-Brunswick, alors que d'autres estimaient que les perspectives d'emploi pour les travailleurs non autochtones étaient menacées. Par conséquent, les réactions de la population à l'égard de cette question ont été aussi émotives que variées et intenses.

À l'approche des mois plus chauds du printemps 1998, les tensions entre la collectivité autochtone, le ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie et les principaux intervenants de l'industrie forestière du Nouveau-Brunswick ont augmenté de façon remarquable. Les journaux publiaient des manchettes comme « Ça chauffe dans la forêt », et de nombreux médias ont fait paraître des articles sur les confrontations et les troubles. Les médias de tout le pays en ont parlé, et les yeux de la nation se sont tournés vers les forêts du Nouveau-Brunswick. Sous l'œil intense des médias, les ouvriers forestiers autochtones, les dirigeants autochtones, les chefs des premières nations et le gouvernement provincial étaient soumis à une pression croissante qui les poussait à trouver une solution raisonnable à la « crise dans la forêt ».

Le premier ministre Frenette a reconnu qu'il fallait entamer le dialogue avec les dirigeants des premières nations et il a invité les chefs à le rencontrer à Bathurst le 30 mars 1998. Lors de cette rencontre, les chefs ont soumis au premier ministre un certain nombre de questions et de préoccupations qui devaient être examinées globalement au cours de séances ultérieures. Parmi celles-ci, mentionnons notamment les droits ancestraux des Autochtones, le développement économique, l'éducation, les soins de santé, la création d'emplois, la formation, l'imposition, les terres de la Couronne et la gestion des ressources. À la fin de cette rencontre, les participants ont convenu de se réunir de nouveau.

Le 20 avril 1998, une autre réunion a eu lieu dans la réserve de Saint Mary's; on y a discuté d'un processus visant à trouver une solution négociée et raisonnable au problème de l'accès aux terres de la Couronne. Il faut mentionner que l'ordre du jour de cette réunion a semé la confusion. Certains participants, dont le premier ministre, des ministres, des représentants du gouvernement et quelques chefs, se sont présentés à la rencontre en pensant y discuter du processus de négociation, mais d'autres ont présumé que les questions recensées lors de la réunion de Bathurst seraient examinées. À toutes fins utiles, cette rencontre s'est terminée dans une impasse.

Le 22 avril 1998, la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick a accueilli l'appel du gouvernement provincial et a infirmé le jugement du juge Turnbull, ce qui a entraîné la condamnation de Thomas Peter Paul. Les allégations de M. Paul n'ayant pas été retenues, le gouvernement provincial se trouvait essentiellement forcé de faire respecter la loi; mais son intervention demeurait litigieuse, compte tenu des événements qui avaient précédé. Le premier ministre Frenette a continué de s'efforcer de ramener les parties à la table des négociations dans le but d'élaborer une entente sur l'accès par la population autochtone au bois situé sur les terres de la Couronne. À plusieurs reprises, le premier ministre a lancé des appels au calme et a demandé que les discussions reprennent entre les bûcherons autochtones, les chefs et le gouvernement provincial. Le premier ministre Frenette a aussi demandé au chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine, et à la ministre fédérale des Affaires indiennes, Jane Stewart, de discuter avec certains membres de la collectivité autochtone. Malgré de nombreuses rencontres, certaines en privé, d'autres en public, les parties n'ont pu arriver à une entente négociée à long terme.

 

Le 2 mai 1998, M. Camille Thériault a été élu chef du Parti libéral du Nouveau-Brunswick, et il a été assermenté comme premier ministre de la province le 14 mai 1998. Dans son discours d'assermentation, le premier ministre Thériault a réitéré l'engagement de son gouvernement envers l'amélioration des relations avec la population autochtone du Nouveau-Brunswick.

 

Bien que la majorité des premières nations ont signé avec le gouvernement provincial des accords intérimaires qui leur allouent une part de cinq pour cent de la possibilité de coupe annuelle (PCA), les parties n'ont pu s'entendre sur un accord à longue échéance relativement à la récolte du bois sur les terres de la Couronne. Qui plus est, les quelque vingt autres questions soulevées par les chefs à Bathurst n'ont toujours pas été examinées.

Mandat

Le mandat de notre groupe de travail, qui a été approuvé par le Cabinet, est très vaste. Il se présente comme suit :

Deux facilitateurs consulteront les intervenants et formuleront des recommandations au sujet de la meilleure façon de négocier une entente à long terme relativement à la récolte du bois, ainsi que de la manière dont le gouvernement provincial agissant seul ou avec le concours du gouvernement fédéral pourrait le mieux résoudre les autres questions qui revêtent une importance pour la collectivité autochtone du Nouveau-Brunswick. Les facilitateurs ne seront assujettis à aucune échéance en ce qui concerne leurs consultations et la présentation de leurs recommandations. Toutefois, pendant leurs travaux, on exigera des facilitateurs qu'ils soumettent régulièrement des rapports intérimaires au premier ministre.

Toutefois, on nous a clairement fait comprendre que nous ne devions pas nous engager dans la négociation d'accords intérimaires, et nous avons souvent insisté sur cette question au cours de nos consultations. Malgré ce fait, les attentes suscitées par le groupe de travail n'ont cessé de croître au fur et à mesure que des accords intérimaires sur la récolte du bois ont été signés avec les collectivités des premières nations. Dans certains cas, le ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie (MNRE) a même précisé que « l'accord resterait en vigueur jusqu'à ce que le groupe de travail soumette son rapport au gouvernement ». Les membres du groupe de travail n'ont pas été consultés au sujet de la formulation de ces accords.

L'interprétation qu'a faite le MRNE du mandat du groupe de travail a nettement placé celui-ci dans une position inconfortable. Non seulement un rapport était-il attendu, mais aussi espérait-on une solution rapide et toute faite au problème de la coupe de bois sur les terres de la Couronne. Toutefois, le mandat du groupe de travail consistait à faciliter un processus, et non à trouver une solution finale.

Cette position se justifie facilement; en effet, la population autochtone du Nouveau-Brunswick a toujours pensé que le gouvernement provincial, entre autres, lui dictait sa volonté et n'hésitait pas à recourir aux tribunaux advenant une résistance de sa part. Dans les nombreuses déclarations publiques qu'il a faites à ce sujet, le premier ministre Frenette a toujours insisté sur le fait que la solution au problème de la coupe de bois devait être négociée par les dirigeants de la collectivité autochtone et le gouvernement provincial.

Au cours d'une conférence de presse tenue le 27 mai 1998 à l'occasion du début des délibérations du groupe de travail, le premier ministre Thériault a indiqué que nous n'étions pas des négociateurs et que nous avions pour mandat d'écouter les préoccupations des Autochtones à la base. Notre rôle a évolué, de sorte qu'il a englobé un certain travail de promotion et de défense des intérêts de certaines collectivités autochtones. De plus, nous avons tenté à maintes reprises de favoriser la création de liens entre les ministères (fédéraux et provinciaux), les regroupements de spécialistes et de gens de l'industrie ainsi que les collectivités autochtones. Nous nous sommes aussi sentis obligés d'informer les collectivités autochtones de l'existence de certains programmes et services provinciaux et de mettre le gouvernement provincial au courant de certains projets et problèmes de la population autochtone.

Comme les premiers ministres Frenette et Thériault l'ont déclaré publiquement et comme de nombreux ministres l'ont répété, les relations entre le gouvernement provincial et la population autochtone du Nouveau-Brunswick sont marquées par une méfiance profonde. Par conséquent, l'une de nos tâches les plus ardues consistait à assurer la population autochtone de notre sincérité, de l'utilité absolue de sa participation au processus et de l'intention du gouvernement d'examiner avec soin nos recommandations et de les mettre en œuvre dans la mesure du possible. Le plus grand défi que doit relever le gouvernement provincial consiste à abattre les obstacles énormes qui ont été dressés en raison de la méfiance.

Les gens que nous avons rencontrés

Entre la fin du mois de mai 1998 et le mois de décembre 1998, les membres du groupe de travail se sont réunis à plus de 60 reprises et ont rencontré la population autochtone, l'Aboriginal Peoples Council, l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick, le Conseil MAWIW, la Native Loggers Association, les premières nations et leurs dirigeants, les femmes, les aînés et les jeunes autochtones, les représentants de l'industrie forestière, les groupes écologistes, les organisations professionnelles de même que les représentants des gouvernements fédéral et provincial. Nous devons signaler que nous avons tenté à un certain nombre de reprises et sans succès de rencontrer le New Brunswick Native Indian Women's Council. Le groupe de travail a aussi reçu un certain nombre de mémoires de la collectivité autochtone ainsi que d'autres groupes et particuliers.

Dans l'ensemble, les rencontres avec la population autochtone ont pris la forme de rassemblements au cours desquels on encourageait les membres de la collectivité à nous faire part de leur opinion au sujet de toutes les questions qui les préoccupaient. Pour respecter notre intention de rendre les participants aussi à l'aise que possible et de donner confiance aux collectivités, nous n'avons pas invité les médias à faire le compte rendu de nos activités.

Nous nous sommes fréquemment reportés à la liste des enjeux préparée à la suite de la rencontre qui a eu lieu le 30 mars 1998 entre le premier ministre Frenette et les chefs, tout en faisant ressortir clairement les questions qui ne relevaient pas de notre mandat, notamment les affaires en instance devant les tribunaux, les droits ancestraux des autochtones et les revendications territoriales. Dans certains cas, la population était en train d'examiner l'offre intérimaire du gouvernement provincial en matière de droits de coupe, et c'est ce sujet qui devenait le thème de notre rencontre.

Les collectivités autochtones nous ont toujours reçus de façon ouverte, respectueuse et chaleureuse. Même si nous avons dû apporter des précisions préliminaires à propos de questions comme notre mandat et le rôle du groupe de travail, on nous a fait sentir que notre présence était appréciée et que ce dialogue représentait une étape importante de la réconciliation entre le gouvernement provincial et la population autochtone.

Nos rencontres avec les représentants de l'industrie et des organisations professionnelles nous ont été fort utiles, puisqu'elles nous ont permis de comprendre la nature et le contexte des méthodes de gestion forestière au Nouveau-Brunswick et ailleurs. Les dirigeants de Repap, J.D. Irving, Ste. Anne Nackawic et Fraser Papers inc. ont pris la peine de nous faire part de leurs opinions au sujet de la situation qui existait sur les terres de la Couronne. Ils ont aussi parlé de l'ampleur de leur exploitation, des méthodes et des philosophies de gestion forestière ainsi que de l'évolution de la situation globale dans l'industrie forestière.

Nous avons rencontré des représentants de la New Brunswick Forest Products Association (regroupant les titulaires de permis), de la New Brunswick Sub-Licensee Forest Alliance (regroupant les titulaires de sous-permis), de la New Brunswick Association of Registered Professional Foresters, du Service canadien des forêts et de l'École de gardes forestiers des Maritimes.

M. Gordon Baskerville, théoricien réputé et ancien sous-ministre du ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie (de 1979 à 1982), nous a amicalement fait bénéficier de ses vastes connaissances et des perspectives historiques en matière de gestion des terres de la Couronne au Nouveau-Brunswick.

De plus, avec l'aide de l'Atlantic Institute in Market Studies, nous avons été en mesure de rencontrer pendant quelques heures précieuses M. Vern Bachiu, du conseil de bande de Meadow Lake, en Saskatchewan. Il nous a fait part de son point de vue tout à fait particulier au sujet d'une entreprise autochtone très florissante dans le secteur forestier de sa province.

Le Conseil de conservation et la Protected Spaces Coalition nous ont fait part de leurs opinions au sujet de la gestion des ressources forestières et des valeurs qui devraient être prises en considération dans la Loi sur les terres et forêts de la Couronne.

Les représentants du ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie, notamment Tom Spinney, Tom Reid et Dave MacFarlane, ont été très généreux de leur temps, ils ont répondu sans détour à toutes nos questions et ils nous ont fourni de bon gré tous les documents nécessaires. D'autres ministères nous ont aussi rendu service en nous expliquant leurs programmes et leurs politiques. En outre, nous avons eu le plaisir de rencontrer le premier ministre et des ministres du Cabinet.

Les services fédéraux comme le bureau régional du ministère des Affaires indiennes et Développement des ressources humaines Canada ont bien coopéré et nous ont expliqué leurs programmes et leur optique. Andy Scott, député fédéral de Fredericton et ancien solliciteur général, a aussi pris le temps de nous rencontrer.

Ce que nous avons entendu de la part de la population autochtone

Dans l'ensemble, les préoccupations énoncées par les chefs des premières nations à Bathurst ont été reprises devant le groupe de travail. On a parlé entre autres de l'accès aux emplois et au développement économique, de la formation, des questions sociales, de l'éducation, de l'imposition, des droits des Autochtones, de la ligne Ganong qui fait la démarcation entre les territoires micmacs et malécites, de la représentation des Autochtones à l'Assemblée législative, des Autochtones dans la fonction publique ainsi que des relations entre la population autochtone et les deux paliers de gouvernement.

Tous les intervenants s'entendaient sur la nécessité pour la collectivité autochtone et le gouvernement provincial de se concerter afin de régler l'ensemble des questions soulevées à Bathurst dans le cadre d'un processus, d'un forum ou d'un autre mécanisme. Même si certaines de nos rencontres ont débuté par une affirmation des droits territoriaux des Autochtones, nous avons chaque fois indiqué que cette question ne pouvait être tranchée que par les tribunaux ou dans le cadre du processus de revendications territoriales auquel participent les gouvernements provincial et fédéral. Nous avons insisté sur la nécessité de trouver un compromis dans l'intervalle afin de permettre aux parties de se rencontrer et de discuter des nombreux autres enjeux importants qui avaient été soulevés.

Les questions et les préoccupations soulevées par l'Aboriginal Peoples Council, qui regroupe les Autochtones vivant hors des réserves, correspondaient en gros à celles dont nous ont fait part les autres Autochtones. Ce groupe fait face à des difficultés supplémentaires en raison du fait que les gouvernements fédéral et provincial n'endossent aucune responsabilité à son égard. Ses membres se trouvent donc dans un vide en matière de compétence. Malgré ce désavantage, l'Aboriginal Peoples Council a réussi à diriger un programme de logement hors des réserves, et il a joué un rôle actif dans le dossier de la pêche de subsistance par les Autochtones de la province. En outre, le conseil fait partie d'un comité tripartite de gestion qui comprend aussi des représentants des gouvernements fédéral et provincial, mais qui n'est plus actif depuis 1997.

Tout indique que la population autochtone croît de façon accélérée au Canada. Le nombre d'Autochtones qui vivent hors des réserves augmente encore plus rapidement; en effet, l'exiguïté des réserves et la sur-utilisation de leurs ressources forcent bon nombre d'Autochtones à vivre ailleurs.

Les enjeux auxquels fait face ce segment important de la population autochtone du Nouveau-Brunswick ont été exprimés par ce seul groupe, ce qui témoigne éloquemment des difficultés que les Autochtones vivant hors des réserves éprouvent lorsqu'ils tentent de faire valoir leurs revendications.

Les emplois et l'économie

On nous a informés du fait que, pour la première fois, de nombreux Autochtones se sont véritablement mis à espérer et se sont fixé des buts bien précis à la suite de la décision du juge Turnbull. Des hommes, des femmes et des jeunes autochtones ont trouvé dans la forêt un travail ayant un sens. On nous a fait part de données non scientifiques faisant état de la réduction du taux de suicide à Burnt Church et à Big Cove ainsi que de la diminution des activités criminelles et de l'allégement des budgets de l'aide sociale dans les autres premières nations. Par contre, on nous a mis au courant des difficultés qu'éprouvent certains Autochtones à faire cadrer leurs valeurs traditionnelles dans les méthodes modernes de récolte, et nous avons aussi appris que certains d'entre eux n'avaient pu bénéficier de l'accès aux ressources.

À maintes reprises, nous avons été touchés par les exposés qui nous ont été présentés. Au cours de l'une de nos premières rencontres, une aînée de la première nation de Kingsclear nous a dit : « Mon mari est handicapé; il ne peut pas bûcher, je ne peux pas bûcher et nos enfants ne peuvent pas bûcher. Qui s'en occupera? Vous ne pouvez pas abattre tous ces arbres sans penser à moi. »

Par ailleurs, nous avons assisté à un exposé tout aussi émouvant à Big Cove; en effet, la rencontre avec les femmes de la collectivité a donné lieu à un plaidoyer chargé d'émotions qui nous a touchés. Leurs observations sincères faisaient ressortir les changements positifs qui s'étaient produits dans les familles en raison du fait que les gens travaillaient et gagnaient raisonnablement bien leur vie par suite de la décision du juge Turnbull. La diminution de la violence conjugale et familiale ainsi que des problèmes de dépendance était à leurs yeux attribuable au fait que les gens occupaient un emploi.

Mais les participants n'ont pas manqué de faire ressortir le besoin énorme et urgent d'activités de développement économique et de nouveaux emplois pour les Autochtones néo-brunswickois. On nous a invités à comprendre le fait que certaines collectivités autochtones jugeaient que la coupe de bois n'était pas la solution miracle que certains avaient entrevue à l'origine. Certains envisageaient la récolte du bois dans le cadre de plans de développement plus ambitieux qui prévoyaient l'exploitation de scieries et la construction d'unités de logement destinées aux premières nations de toute la région.

Dans un cas, la population hésitait à signer un accord intérimaire, parce qu'elle estimait que celui-ci ne lui permettrait pas d'élaborer un plan à long terme pour sa première nation. Pas plus tard qu'en décembre 1998, certaines collectivités autochtones jugeaient que la signature d'un accord intérimaire avec le gouvernement provincial entraînerait la perte de leurs droits ancestraux, même si les accords en question étaient conclus sous réserve de leurs droits.

Le premier paragraphe de l'ébauche de l'accord entre le gouvernement provincial et la première nation de Fort Folly se lit comme suit :

[trad.] « Étant donné que le présent accord représente un compromis conclu entre les parties sous réserve de leurs droits, il ne pourra être interprété ni utilisé au détriment de l'une ou l'autre des parties dans le but de déterminer les droits sous-jacents de celles-ci ou leurs droits et revendications prévisibles. »

Les efforts déployés par la première nation de Eel Ground nous ont particulièrement impressionnés. Au cours des dix dernières années, la population de cette réserve a développé ses propres ressources ligneuses et a ajouté de la valeur à la fibre qu'elle tirait de ses terres ou qu'elle se procurait auprès de tiers. Steve Ginnish, un forestier primé, s'est servi de son savoir-faire dans le but de transformer une petite scierie mobile en une exploitation à valeur ajoutée rentable.

Étant donné le taux de chômage élevé qui sévit dans les collectivités des premières nations (lequel atteint 80 p. 100 dans certains cas), les dirigeants sont soumis à une pression énorme en matière de création d'emplois. Ils doivent subir la pression publique qu'exercent les sans-emploi, en plus de la pression financière inhérente. Pour les dirigeants des premières nations comme pour ceux de tout autre gouvernement, la création d'emplois fait le bonheur des commettants, tout en allégeant le fardeau que doivent supporter les programmes d'aide sociale.

On ne peut sous-estimer l'impact social de la création d'emplois. Dans les collectivités des premières nations qui enregistrent les taux de chômage les moins élevés, on peut presque palper le sentiment de fierté et d'accomplissement qui anime la population. Quand chacun des membres de la collectivité prend confiance en soi, c'est la collectivité dans son entier qui prend confiance en elle.

La première nation de Bouctouche en est un exemple concret. Le chômage dans cette petite réserve est à peu près inexistant. Qu'ils s'occupent de la pêche commerciale ou de la location et de l'opération de machinerie, les résidents de la première nation de Bouctouche sont des rouages importants de l'économie locale. La collectivité est vivante et s'enorgueillit de son patrimoine et de ses traditions, à un point tel qu'elle a conçu un produit touristique tout à fait singulier, l'Expérience micmaque, qu'elle tente actuellement de commercialiser en Europe.

Logement

Compte tenu du taux de chômage élevé chez les Autochtones, il n'est pas étonnant qu'un certain nombre de premières nations ainsi que le Aboriginal Peoples Council nous aient parlé du logement. Le segment autochtone de la population canadienne est celui qui croît le plus rapidement, et la demande de logements augmente en conséquence. On nous a dit que la population autochtone avait besoin de 1 000 logements. Dans certaines collectivités, le problème se complique davantage du fait de la pénurie de terrains.

Étant donné les lacunes en matière de logement et la nécessité de créer des emplois pour la population autochtone de toute la province, nous avons demandé au ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie dans quelle mesure l'attribution du volume de coupe annuel de cinq pour cent pouvait servir à bâtir des logements. Selon les estimations du ministère, on pourrait construire chaque année environ 4 000 logements à même la possibilité de coupe annuelle de cinq pour cent.

Attitudes de la population

Malheureusement, les difficultés économiques que connaît la population autochtone du Nouveau-Brunswick se compliquent en raison de l'étroitesse d'esprit et des préjugés qui sont parfois enracinés dans le public. Même si les termes n'ont pas été fréquemment employés, on nous a mis au courant d'incidents de racisme et d'intolérance qui ne sont pas sans rappeler un triste volet de notre histoire.

Certains Autochtones néo-brunswickois ont été victimes de sectarisme institutionnalisé, tant dans le secteur privé, que dans le secteur public. Dans un cas, le groupe de travail a pris connaissance de preuves photographiques d'une telle intolérance. Cette question suscite de vifs débats dans le contexte de l'appareil judiciaire. L'un des chefs nous a fait part avec beaucoup d'émotion des difficultés qu'il a dû surmonter pour venir en aide à un membre de sa collectivité qui était aux prises avec les tribunaux. Le gouffre qui sépare les deux cultures semble se creuser davantage dès qu'on franchit le seuil d'une salle d'audience.

Les différences culturelles entre la population autochtone et la collectivité non autochtone sont certes amplifiées dans les salles d'audience, mais elles ressortent aussi dans bien d'autres domaines. Le jour négatif sous lequel les médias ont parfois présenté les Autochtones du Nouveau-Brunswick n'arrange pas les choses. La population de Big Cove se préoccupait particulièrement du fait que les médias ne parlent d'elle que lorsque les nouvelles sont mauvaises. Un examen superficiel de la presse écrite du Nouveau-Brunswick depuis avril 1998 corrobore cette opinion. Nos observations personnelles nous ont permis de remarquer que très peu de journalistes autochtones travaillent dans la province.

Le fossé qui existe entre la collectivité autochtone et la population non autochtone au Nouveau-Brunswick ne fait que s'élargir en raison de l'ignorance et de la désinformation. Nous avons mentionné auparavant le fait que certains Autochtones pensent encore que la signature d'un accord intérimaire met en péril leurs droits. D'autres ont fait des déclarations, notamment au sujet de l'industrie forestière, qui sont totalement non fondées. Dans une collectivité, on nous a prévenus que les réserves de bois de la province seraient épuisées dans cinq ans parce qu'un titulaire de permis utilisait à lui seul plus de 100 abatteuses-tronçonneuses dans la forêt.

Les idées fausses circulent aussi dans la population non autochtone. Bon nombre de Néo-Brunswickois croient à tort que la population autochtone ne paie pas d'impôts ni de taxes, mais qu'elle a tout de même recours aux services financés par les impôts. Mais ce qu'ils oublient, c'est que de nombreux services que les Néo-Brunswickois tiennent pour acquis, comme la lutte contre les incendies ainsi que l'entretien et le déneigement des routes, sont payés séparément par les premières nations. De plus, sauf certaines exceptions, les Autochtones paient des impôts et ceux qui vivent hors des réserves paient des impôts fonciers, des taxes sur l'essence et les carburants et d'autres redevances, tout comme les autres Néo-Brunswickois. Qui plus est, de nombreux Néo-Brunswickois non autochtones ne savent pas que les collectivités autochtones du Nouveau-Brunswick font un apport d'environ 80 millions de dollars par année à l'économie de la province, selon le ministère des Affaires indiennes.

Le gouvernement provincial, la collectivité autochtone et la population néo-brunswickoise dans son ensemble devront s'atteler au grand défi qui consiste à combler ce fossé culturel. Nous trouvons encourageants les efforts déployés à la base pour tenter de surmonter ces différences culturelles; à titre d'exemple, mentionnons l'échange qui a récemment eu lieu entre une école de Riverview et la première nation de Big Cove et qui a permis aux élèves du secondaire des deux collectivités d'apprendre à se connaître.

Consultation et participation des Autochtones au gouvernement

Les différences culturelles ont aussi alourdi l'atmosphère chargée de soupçons qui caractérise les relations entre le gouvernement provincial et la collectivité autochtone. Nombreux sont ceux qui doutent de la « bonne foi » du gouvernement provincial, et ils ne cachent pas leur méfiance à l'endroit des représentants gouvernementaux et des manières prétendument grossières qu'ils utilisent dans leurs relations avec les Néo-Brunswickois autochtones. Au cours de nos rencontres, les Autochtones se sont fréquemment plaints de ne pas être consultés adéquatement lorsque l'un ou l'autre des paliers de gouvernement prend des décisions stratégiques. Par conséquent, les politiques et les programmes ne tiennent pas compte des valeurs et des différences culturelles, économiques et sociales qui existent entre la collectivité autochtone et la population non autochtone.

On trouve un exemple de cette situation dans le secteur du tourisme. Il convient certes de féliciter le gouvernement provincial pour ses programmes touristiques très fructueux, mais il faut aussi signaler que les collectivités autochtones ont éprouvé énormément de difficultés à y participer. Ces programmes se caractérisent par de nombreuses règles directrices très strictes; sans une formation et des ressources convenables, les exploitants d'entreprises touristiques autochtones peinent à se conformer aux critères établis par le gouvernement provincial. Qui plus est, ces règles directrices ne tiennent pas compte de la nature particulière des produits touristiques autochtones.

On doit remarquer que le succès du gouvernement provincial dans le secteur touristique ne s'est pas bâti en un jour, et qu'une panoplie de programmes est offerte aux exploitants d'entreprises touristiques depuis de nombreuses années. Les initiatives autochtones dans le secteur touristique ont vu le jour plus récemment et n'ont été intégrées à la stratégie touristique du gouvernement provincial qu'au cours des dernières années.

Fonction publique

La question de la consultation présente de nombreux aspects; en raison de l'absence d'Autochtones aux échelons supérieurs de la fonction publique provinciale, les ministres du Cabinet ne peuvent prendre régulièrement le pouls de la population autochtone. De plus, la fonction publique elle-même n'a pas beaucoup l'occasion d'entendre parler des enjeux autochtones ni de bénéficier des conseils des Autochtones. De nombreuses collectivités autochtones ont fait état de cette situation problématique. Le Programme d'égalité d'accès à l'emploi, quoique utile aux yeux de certains, ne dispose ni de ressources suffisantes ni du poids législatif nécessaire.

Représentation à l'Assemblée législative

La question précédente mène à celle de la représentation de la population autochtone à l'Assemblée législative de la province. De nombreux membres des collectivités autochtones ont insisté sur l'importance de ce point et sur le fait que leurs positions devaient être entendues dans cette arène. Un intervenant a même déclaré que la représentation des Autochtones devait être le point de départ d'une collaboration qui viserait à résoudre les problèmes et à relever les défis auxquels doit faire face la population autochtone. Il est juste de dire, cependant, qu'il existe une divergence d'opinions sur cette question au sein de la communauté autochtone.

Éducation

Un certain nombre de collectivités se sont dites inquiètes au sujet du montant facturé par le gouvernement provincial pour l'éducation de leurs enfants et ont précisé que les droits de scolarité des enfants autochtones étaient beaucoup plus élevés que ceux des élèves non autochtones. Toutefois, les préoccupations exprimées en matière d'éducation ne se limitaient pas aux ententes sur les droits de scolarité. De nombreux Autochtones estimaient que leur langue, leur culture et leur histoire étaient négligées par le réseau scolaire provincial, au détriment de leur propre collectivité et des enfants d'âge scolaire de la province.

On admet généralement que la langue est la pierre angulaire de l'identité culturelle. Malheureusement, il arrive qu'une langue autochtone se perde à tout jamais. Il suffit de penser à la première nation de Madawaska, où la langue malécite est à toutes fins utiles disparue. D'autres premières nations travaillent d'arrache-pied afin de conserver et de promouvoir leur langue en l'enseignant à leurs enfants dans les écoles des réserves.

On relève à peine quelques exemples d'élèves autochtones dans le réseau scolaire public auxquels on enseigne leur langue. Le gouvernement fédéral offre un programme de langues ancestrales dans les premières nations, mais on compte un seul enseignant de langue autochtone qui enseigne dans le réseau scolaire public et qui est rémunéré par le gouvernement provincial.

Dans bien des premières nations, les enfants fréquentent l'école primaire de la réserve et terminent leurs études dans le réseau scolaire provincial. Dans certains cas, les enfants autochtones n'ont pas accès à des programmes de formation musicale, artistique et physique d'un calibre comparable à celui des cours dispensés dans le réseau public. Par conséquent, lorsqu'ils arrivent dans le réseau provincial au cours des années intermédiaires de leurs études, ils sont parfois désavantagés.

Toutefois, nous devons dire que des projets intéressants ont été mis sur pied au Nouveau-Brunswick, sous l'égide du ministère de l'Éducation. Parmi ceux-ci, mentionnons un programme de camp d'été qui est axé sur l'épanouissement culturel des élèves autochtones et non autochtones ainsi qu'un certain nombre de comités composés d'Autochtones qui conseillent le ministère dans des domaines comme les règles directrices ministérielles, les programmes linguistiques et l'élaboration des programmes d'études.

Services sociaux

La principale question qui a été soulevée au sujet des services sociaux a trait aux inégalités qui existent entre les services offerts aux Autochtones et ceux qui sont dispensés au reste des Néo-Brunswickois. Il suffit à la population autochtone de jeter un coup d'œil à la collectivité non autochtone voisine pour prendre conscience de l'écart. Les programmes que gère le gouvernement provincial à l'intention des personnes âgées, des bénéficiaires de l'aide sociale et des personnes ayant une incapacité ne sont pas offerts aux habitants des réserves.

De nombreux chefs se sont dits frustrés d'avoir à dispenser, sans un financement convenable, des services sociaux et pédagogiques aux personnes non autochtones qui vivent dans leurs collectivités ainsi qu'aux Autochtones qui habitent hors des réserves. Il arrive souvent que ces personnes ne soient pas prises en considération dans les formules qui servent à calculer le financement que verse le gouvernement fédéral aux premières nations. Cette situation a des répercussions graves, voire tragiques.

Nous avons pris connaissance d'une situation particulièrement troublante dans une première nation : en effet, les trois paliers de gouvernement ont refusé d'accorder à un enfant lourdement handicapé qui vivait dans la réserve mais qui n'était pas considéré comme un Indien de plein droit l'aide financière qui lui aurait permis de couvrir ses frais de déplacement pour se rendre à l'hôpital pour enfants IWK à Halifax. Ce vide au plan des compétences entraîne de véritables coûts humains.

Comparons cette situation à un cas semblable qui mettrait en cause un résident du Nouveau-Brunswick résidant sur des terres fédérales (p. ex. : la Base des Forces canadiennes de Gagetown). Au besoin, la personne en question pourrait toucher des prestations d'invalidité du gouvernement provincial. On a de la difficulté à comprendre les raisons pour lesquelles une personne (autochtone ou non autochtone) qui vit dans une réserve (laquelle est aussi un territoire fédéral) devrait être traitée différemment.

Par contre, certains efforts de collaboration ont été déployés dans un autre domaine. En effet, depuis 1983, le gouvernement provincial et la collectivité autochtone collaborent en matière de protection de l'enfance. Ce partenariat a permis d'améliorer les programme de protection de l'enfance dans les premières nations et a procuré à un certain nombre d'Autochtones du Nouveau-Brunswick qui avaient obtenu un diplôme universitaire dans ce domaine une occasion de travailler dans les réserves.

Imposition

La question de l'imposition a été soulevée à maintes reprises. Les Autochtones qui vivent hors des réserves sont assujettis aux mêmes taxes et impôts que les autres Néo-Brunswickois. Par contre, les Autochtones qui vivent dans les réserves bénéficient d'une exemption de taxes sur les biens fonciers et d'impôt sur le revenu gagné dans la réserve. Selon un certain nombre d'Autochtones, cette exemption leur nuit dans leur recherche d'un emploi à l'extérieur des réserves. On nous a dit que certains Autochtones hésitaient à accepter un emploi à l'extérieur de leur première nation, parce qu'ils toucheraient un revenu net moins élevé en raison des retenues fiscales.

De toute évidence, les perspectives d'emploi dans les réserves ne suffisent pas aux besoins des résidents, et ceux-ci doivent en fin de compte relever le défi de trouver un emploi à l'extérieur de la réserve. C'est ce que devront faire de plus en plus d'Autochtones, étant donné que la population autochtone croît plus rapidement que l'ensemble de la population.

 

Les autorités fédérales, le gouvernement provincial et les dirigeants autochtones doivent tenir compte de ces difficultés. Toutefois, nous reconnaissons que la question de l'imposition est particulièrement délicate, et que des mesures précises ont des répercussions différentes d'une première nation à une autre. Notre groupe de travail n'a certes pas les ressources d'examiner ces questions, mais nous estimons que nous avons le devoir de les mettre en évidence, compte tenu des observations qui ont été formulées devant nous.

Dans un dossier connexe, nous avons été mis au courant du fait que le gouvernement provincial utilise le nombre total de ses habitants - lequel comprend forcément les Autochtones dans les réserves et hors des réserves - dans le calcul des paiements de péréquation et de transfert qu'il reçoit du gouvernement fédéral.

Par ailleurs, des Autochtones ont formulé des plaintes d'une nature toute différente. Celles-ci avaient trait aux difficultés que créaient les frais excessifs que facturent certaines entreprises relativement aux livraisons dans les réserves. Ces difficultés découlent du fait que la seule exemption de taxe de vente dont bénéficient les Néo-Brunswickois autochtones s'appliquent aux biens acquis hors de la réserve qui y sont livrés et aux biens qui sont achetés directement dans la réserve. On devrait inviter ces entreprises à réévaluer le caractère équitable de ces frais, et on pourrait demander aux autorités fédérales d'examiner les pratiques de ce genre.

Soins de santé

Au cours des dix dernières années, de nombreuses premières nations se sont dotées de centres de santé, et certaines font appel aux services d'infirmières professionnelles et de médecins. Une première nation en particulier espérait inciter un médecin local à consacrer du temps à la collectivité autochtone afin de faciliter l'accès aux soins médicaux, en particulier pour les personnes âgées.

Nous nous sommes réjouis de constater que de nombreuses premières nations de la province ont fait beaucoup de progrès en ce qui concerne certaines questions de santé, notamment le diabète et l'alimentation; mais de nombreuses collectivités sont toujours à la recherche de solutions aux problèmes découlant de la consommation abusive d'alcool et de drogue. Comme nous l'avons mentionné en discutant de l'exemple de l'enfant autochtone lourdement handicapé, beaucoup de jeunes qui vivent dans les réserves sont tenus en otage par les conflits de compétence.

Justice

Comme nous l'avons indiqué auparavant, la population autochtone s'est montrée très préoccupée à l'égard de l'appareil judiciaire, et ses inquiétudes se manifestent à plusieurs niveaux. Très peu de policiers autochtones travaillent à l'extérieur des premières nations, et ceux qui occupent un poste dans une réserve se soucient du fait que leur régime d'avantages sociaux et de sécurité d'emploi diffère de celui dont bénéficient leurs homologues non autochtones.

L'absence de dialogue dont nous avons parlé auparavant a des conséquences négatives dans des domaines comme le counselling et la médiation. On nous a fait part de cas où des Autochtones ont dû quitter leur collectivité pour assister à des séances de médiation du Tribunal de la famille qu'ils avaient de la difficulté à comprendre en raison des différences linguistiques et culturelles. Par conséquent, ces personnes ont cessé de participer aux séances.

Certaines personnes ont mentionné qu'il fallait agir face au nombre restreint d'agents de probations, d'avocats et de travailleurs sociaux autochtones. On nous a aussi fait remarquer que le Nouveau-Brunswick demeurait la seule province canadienne qui ne bénéficie pas du programme fédéral des aides judiciaires. Ce programme a réussi à atténuer l'aliénation et l'intimidation que peuvent ressentir les Autochtones en entrant dans une salle d'audience, et il a permis d'offrir des services post-sentenciels harmonisés à l'expérience autochtone. Il incite les intervenants à adopter une approche globale du mécanisme judiciaire et de l'imposition de la peine.

De la part de l'industrie forestière et des organisations professionnelles

Nous avons rencontré une imposante délégation de l'industrie forestière et des organisations connexes. Dans l'ensemble, ces représentants approuvaient les grandes lignes de la gestion forestière au Nouveau-Brunswick. Un bon nombre de ceux-ci ont aussi indiqué que l'industrie avait été irrévocablement transformée à la suite des événements de l'hiver et du printemps 1998. Ils acceptaient cette réalité et se disaient disposés à faire une plus grande place aux Autochtones dans le secteur forestier.

Dans son exposé devant nous, M. Gordon Baskerville a fait l'historique de la Loi sur les terres et forêts de la Couronne en donnant les motifs de son élaboration, soit les prévisions annonçant une grave pénurie de bois entre les années 2010 et 2025, laquelle pourrait entraîner l'effondrement de cette industrie primordiale pour la province. Il a aussi décrit la façon dont la Loi a été mise en œuvre.

Le mécanisme de gestion actuel a été conçu en tenant compte du fait qu'il incombe à l'industrie de mettre en œuvre des plans de gestion assujettis à une surveillance périodique de la part du gouvernement provincial. De cette façon, l'industrie assume les coûts de la gestion des ressources, le gouvernement provincial exerce l'autorité suprême en octroyant ou en refusant les permis et il perçoit un pourcentage du coût du bois récolté sur les terres de la Couronne sous forme de droits de coupe qu'il verse ensuite à ses recettes générales.

Pour simplifier à l'extrême, disons que le mécanisme de gestion de la forêt au Nouveau-Brunswick est fondé sur la prémisse selon laquelle l'industrie s'efforcera de protéger et de mettre en valeur les ressources, parce que sans celles-ci, elle éprouverait de graves difficultés. À la fin des années 70 et au début des années 80, la Loi sur les terres et forêts de la Couronne était principalement axée sur les valeurs de l'industrie forestière et sur la vigueur de l'économie d'un certain nombre de régions rurales de la province.

 

À l'époque, on ne se souciait guère des préoccupations des écologistes, des protecteurs de l'environnement et des Autochtones du Nouveau-Brunswick. Le gouvernement provincial tentait de son mieux de mettre un terme à une situation de crise, et l'absence de ces autres valeurs dans la Loi et dans sa philosophie sous-jacente est fort probablement le fruit d'un oubli plutôt que celui d'un propos délibéré. En fait, le gouvernement provincial a agi de façon à tenir compte d'un bon nombre de ces valeurs au fil des ans.

Selon M. Baskerville, cependant, la Loi peut tenir compte d'autres valeurs, à condition que l'on n'augmente pas la quantité de fibre extraite sur les terres de la Couronne et que l'on continue de gérer la forêt d'une façon viable. Ces autres valeurs doivent donc, pour l'essentiel, s'exprimer à l'intérieur de la présente possibilité de coupe annuelle. M. Baskerville a déclaré ce qui suit :

[trad.] « J'ai certaines connaissances au sujet des problèmes de l'heure en matière d'approvisionnement en bois dans les autres provinces et, malgré les récents changements, le Nouveau-Brunswick se distingue parce qu'il a adopté la méthode la plus fonctionnelle en vue de résoudre un problème avec lequel sont aux prises toutes les provinces au pays.

Malgré toutes ses difficultés inhérentes, je considère la Loi sur les terres et forêts de la Couronne du Nouveau-Brunswick comme l'une des mesures législatives les plus efficaces et les plus innovatrices dans le secteur forestier canadien d'aujourd'hui en ce qui concerne la viabilité de l'approvisionnement en bois et la mise en œuvre d'une véritable gestion dans la forêt. On peut même soutenir que parmi l'ensemble des provinces, le Nouveau-Brunswick a le mieux évalué les problèmes futurs de son secteur forestier, et qu'il a adopté l'approche la plus fonctionnelle en matière de gestion de la forêt dans le but de régler ces problèmes.»

D'autres intervenants étaient du même avis. Les auteurs d'une étude réalisée en 1991 par la revue Macleans au sujet des pratiques de foresterie au pays ont formulé des conclusions identiques et ont classé le Nouveau-Brunswick en tête de liste au pays en ce qui concerne la gestion de ses ressources forestières et la qualité de l'information que le gouvernement provincial est en mesure de recueillir par l'entremise de son mécanisme de gestion.

Les représentants de la société Fraser Papers inc. nous ont donné une perspective comparative utile en matière de gestion des ressources forestières en attirant notre attention sur les différents mécanismes en vigueur au Nouveau-Brunswick et dans l'État du Maine. Selon leur analyse, les deux mécanismes diffèrent en raison du fait que le Nouveau-Brunswick gère ses ressources forestières d'une façon proactive et scientifique qui est axée sur la santé de l'ensemble de la forêt, par opposition à celle d'un peuplement en particulier. La stratégie à longue échéance du Nouveau-Brunswick, qui s'échelonne sur un horizon prévisionnel de 80 ans, est soutenue par un certain nombre de plans : le plan de gestion de 25 ans, le plan tactique quinquennal et le plan d'exploitation annuel. Le mécanisme employé dans le Maine est davantage répressif et a tendance à se concentrer sur des euplements particuliers, plutôt que sur l'ensemble de la forêt.

L'attention apportée à la sylviculture sur les terres de la Couronne est l'une des principales caractéristiques de ces plans. Le ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie a engagé jusqu'à 20 millions de dollars par année afin de mettre en pratique les méthodes sylvicoles sur les terres de la Couronne. Ces méthodes comprennent le reboisement et les coupes d'éclaircie avant et après commercialisation, bref des activités qui ont pour but de gérer les ressources forestières de façon durable.

Au fur et à mesure de l'évolution des recherches technologiques et scientifiques, le caractère commercial des activités sylvicoles prend de l'importance au Nouveau-Brunswick. De plus en plus de travailleurs qui ont occupé des emplois traditionnels dans le secteur forestier travaillent maintenant dans ce domaine. Les efforts déployés en vue de former la main-d'œuvre de ce secteur en pleine croissance ont suivi l'évolution de la situation.

À titre d'importateur net de bois, le Nouveau-Brunswick collabore aussi avec les propriétaires de terrains boisés privés afin de les aider à protéger leurs ressources. La question de la coupe abusive sur les terrains boisés privés devient de plus en plus explosive au fur et à mesure que la demande dépasse l'approvisionnement disponible à une échelle viable. Non seulement le gouvernement provincial a-t-il du mal à déterminer les approvisionnements en bois des terres de la Couronne et la façon dont ils sont répartis, mais aussi doit-il relever le défi de trouver des façons de promouvoir les pratiques viables de gestion forestière sur les terrains boisés privés.

Nous nous sommes réjouis de constater la volonté de la plupart des représentants de l'industrie de jouer un rôle afin d'aider les Autochtones du Nouveau-Brunswick à participer plus activement aux activités du secteur forestier. Un certain nombre de possibilités nous ont été présentées : certains titulaires de permis cherchaient à embaucher des Autochtones afin de travailler directement avec eux, tandis que d'autres souhaitaient collaborer avec des entrepreneurs autochtones.

Le programme de formation conçu par Repap à l'intention de ses sous-traitants et de ses employés nous a beaucoup intéressés. En collaboration avec le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick à Miramichi, l'entreprise a élaboré une approche globale en matière de perfectionnement professionnel de sorte que ses sous-traitants et ses employés acquièrent les compétences essentielles au travail dans l'industrie forestière moderne. Ce programme, qui couvre l'acquisition des capacités de lecture et d'écriture et qui va jusqu'aux subtilités de la conservation de la biodiversité, permet de former des travailleurs forestiers très compétents. Malheureusement, il est à toutes fins utiles inaccessible pour les Autochtones, mais il mérite un examen plus attentif en raison de son utilité et de la richesse de ses enseignements.

L'industrie forestière du Nouveau-Brunswick doit affronter la concurrence globale en faisant appel à certains des systèmes et des procédés les plus techniquement avancés au monde. L'état d'avancement technologique de l'industrie et les efforts qu'elle doit déployer pour conserver une position concurrentielle ont été de véritables révélations pour nous. Les demandes auxquelles l'industrie doit faire face exigent de plus en plus que ses techniques de récolte, de sylviculture et de transformation visent l'efficacité maximale et permettent de faire une utilisation optimale de la fibre.

De la part des écologistes

Les représentants du Conseil de conservation et de la Protected Spaces Coalition nous ont fait part de leurs appréhensions au sujet de la conservation des écosystèmes, de la façon dont les récoltes sont effectuées dans la forêt et de la participation du public au mécanisme de gestion forestière.

Atelier sur l'industrie forestière

Pour régler la question de la désinformation en ce qui concerne la gestion des terres de la Couronne au Nouveau-Brunswick et l'industrie forestière dans son ensemble, nous avons parrainé un atelier qui visait à donner un aperçu du mécanisme de gestion forestière du Nouveau-Brunswick et des avenues réalistes de développement économique qui pourraient intéresser la population autochtone dans le secteur forestier. Nous avons pensé que cette activité pourrait nous permettre d'atteindre l'objectif crucial qui consistait à combler les lacunes dans les connaissances des divers intéressés.

Soixante-dix participants représentant les premières nations, le New Brunswick Aboriginal Peoples Council, l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick, le Conseil MAWIW, le Conseil des femmes autochtones, l'industrie et le gouvernement ont écouté trois conférenciers qui ont discuté de l'industrie forestière sous un certain nombre d'angles différents.

Janice Campbell, du Service canadien des forêts, a présenté au groupe un survol historique de l'industrie et du rôle des gouvernements dans la gestion forestière au Nouveau-Brunswick. Steve Ginnish, chef forestier de la première nation de Eel Ground, a décrit l'approche de sa collectivité en matière de gestion forestière sur les terres de sa réserve et a parlé de l'évolution de l'exploitation de sa scierie. Vern Bachiu, du conseil de bande de Meadow Lake en Saskatchewan, a fait l'historique de la scierie NorSask, une entreprise d'une valeur de plusieurs millions de dollars qui appartient en pleine propriété au conseil de bande et qui est exploitée par celui-ci.

Nous avons été très satisfaits de la participation à cet atelier, puisqu'il s'agissait à toutes fins utiles de la première fois que tous les groupes directement concernés étaient réunis. Nous remercions le ministère des Affaires indiennes et le gouvernement provincial d'avoir assuré le soutien financier de cette activité.

De la part du gouvernement

Dans l'ensemble, nous nous sommes réjouis d'entendre les représentants gouvernementaux, dont deux premiers ministres, parler d'une nouvelle façon de penser et de leur volonté de collaborer avec les Autochtones du Nouveau-Brunswick. Même si, à quelques reprises, nous avons été estomaqués par l'incompréhension à laquelle doit faire face la population autochtone du Nouveau-Brunswick et par les réticences à tenir compte de la nature singulière des défis qu'elle doit relever, le niveau d'engagement manifesté par les ministres et leurs subordonnés nous a dans l'ensemble encouragés.

Depuis que le groupe de travail a entrepris ses délibérations, un certain nombre de projets ont été mis sur pied par plusieurs ministères provinciaux. Après avoir consulté les dirigeants et les représentants autochtones, le ministère du Travail a commencé à élaborer un projet d'emploi pour les Autochtones qu'il espère mettre en œuvre très bientôt.

Nous avons récemment appris avec satisfaction que le gouvernement provincial a entrepris une autre initiative par l'entremise du ministère de la Santé et des Services communautaires. En effet, le ministère entreprend un examen des services qu'il dispense dans les collectivités autochtones du Nouveau-Brunswick ainsi que des ententes de services qu'il a conclues avec celles-ci. Un certain nombre des questions qui ont été soulevées dans le cadre de notre rencontre avec la ministre de la Santé et des Services communautaires, Ann Breault, et ses fonctionnaires seront prises en considération dans cette étude. Il s'agit entre autres de la sensibilité aux différences culturelles dans la prestation des services, de la prévention du suicide et des questions de compétence.

Dans le cadre d'une autre initiative, le ministère de la Justice a récemment nommé une Autochtone au poste d'avocate de service au sein de la première nation de Big Cove dans le cadre d'un projet pilote qui prend la forme d'une initiative conjointe regroupant les gouvernements fédéral et provincial, l'Aide juridique du Nouveau-Brunswick et le Barreau de la province. Par ailleurs, le ministère a coparrainé un atelier qui regroupait des représentants du gouvernement provincial, du gouvernement fédéral et de la collectivité autochtone et qui avait pour but d'examiner les questions relatives à la justice réparatrice.

Notre évaluation et nos recommandations

Dans le cadre de nos délibérations, nous sommes arrivés à un certain nombre de conclusions, certaines fermes, d'autres provisoires, au sujet des diverses questions qui nous ont été soumises. À brève échéance et compte tenu des ressources limitées dont nous disposions, nous n'entendons pas présenter une étude approfondie de la question, mais nous avons élaboré un certain nombre d'approches que nous croyons raisonnables et réalistes et qui, à notre avis, méritent d'être prises en considération par le gouvernement, les collectivités autochtones, l'industrie et tous les autres intervenants.

Le rôle du gouvernement provincial

Pour les motifs que nous avons déjà énoncés, la population autochtone du Nouveau-Brunswick a été grandement ignorée par le gouvernement provincial dans l'élaboration de ses politiques et la prestation de ses services. Un certain nombre de programmes ont été élaborés au cours des dernières années à l'intention des collectivités autochtones du Nouveau-Brunswick dans des domaines comme l'éducation, la protection de l'enfance, le patrimoine et les programmes archéologiques. Mais il n'en demeure pas moins que les initiatives provinciales récentes n'ont pas connu beaucoup de succès dans l'ensemble, même si elles étaient le fruit des meilleures intentions.

L'histoire nous enseigne qu'au Nouveau-Brunswick, les préoccupations et les enjeux autochtones ont été confiés à une composante d'un petit ministère du gouvernement provincial. Depuis plus de 20 ans, la responsabilité de toutes les questions jugées « autochtones » est confiée à une seule personne.

Étant donné la taille de la bureaucratie provinciale et le fait que les ressources - tant humaines que financières - consacrées aux Autochtones sont aussi restreintes, il ne faut pas se surprendre des modestes progrès qui ont marqué l'évolution des relations entre le gouvernement provincial et la collectivité autochtone.

Nous ne voulons absolument pas critiquer les efforts déployés par les personnes qui ont pour la plupart travaillé seules dans le but de faire progresser la cause de la population autochtone au sein de l'appareil gouvernemental de la province. Au contraire, ces gens méritent des félicitations. Toutefois, le système exige une réorganisation ainsi que l'intervention d'un plus grand nombre de personnes dévouées disposant de ressources suffisantes pour donner lieu à des changements positifs à tous les paliers de gouvernement.

La situation se complique aussi en raison de l'absence de communication et de coordination entre les quelques ministères qui s'occupent des questions autochtones. Qu'il suffise de mentionner la ligne Ganong, une question qui irrite de nombreuses collectivités autochtones. Le ministère des Ressources naturelles se sert de la ligne Ganong, tracée à même une carte qui date de la fin des années 1800, pour délimiter les territoires micmac et malécite et pour porter des accusations relatives à des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires sur la faune lorsque des Autochtones pratiquent la chasse à l'extérieur du territoire qui leur est réservé de part et d'autre de cette ligne. On n'a même pas consulté la Direction de l'archéologie du gouvernement provincial au sujet des mérites et du bien-fondé de cette ligne de démarcation. Il convient de mentionner que la Direction de l'archéologie collabore depuis plus de vingt ans avec les premières nations et leurs dirigeants afin de mettre à jour et de préserver le riche patrimoine archéologique des premières nations du Nouveau-Brunswick.

L'absence de moyens de communication adéquats entre le gouvernement provincial et les collectivités autochtones se complique davantage en raison des lacunes internes au plan des communications gouvernementales. On relève de graves lacunes dans l'information transmise aux Autochtones au sujet de l'existence même de programmes dont ils pourraient tirer avantage comme d'autres Néo-Brunswickois, et même de programmes destinés précisément aux Autochtones. Une proportion importante des nombreux programmes destinés aux démunis ne sont pas conçus en fonction des besoins particuliers des Autochtones, qu'ils soient établis dans les réserves ou hors de celles-ci.

La présence d'une poignée d'Autochtones au sein de la fonction publique n'aide pas les choses, surtout au plan de l'élaboration des politiques. Par conséquent, les fonctionnaires éprouvent des difficultés à vérifier auprès de ceux qui connaissent les enjeux le bien-fondé des idées qu'ils désirent mettre de l'avant pour régler les problèmes des Autochtones.

On ne semble pas disposer d'un plan structuré pour recruter des Autochtones à cet échelon, et on n'a pas trouvé les moyens de s'assurer qu'un nombre raisonnable d'Autochtones occupent un emploi, de prévenir la discrimination ou de promouvoir des programmes d'accès à l'égalité. Il faut aussi se soucier du fait que les Autochtones qui occupent un poste au sein de la fonction publique ont tendance à quitter leur emploi; en fait, aucune étude des causes de ce phénomène n'a été réalisée jusqu'à maintenant.

Il est impossible d'exagérer la gravité de ces problèmes. Ils font ressortir la nécessité de concentrer les activités gouvernementales destinées à la population autochtone et de les regrouper sous l'égide d'un organisme politique ou administratif qui serait établi aux échelons supérieurs de l'appareil gouvernemental. Il faut mettre un terme au statu quo qui consiste à confier à de petites entités éparpillées dans l'appareil gouvernemental le soin de régler les questions autochtones. Mais cela ne signifie pas qu'il ne doit pas exister de liaisons entre les différents ministères responsables qui ont pour mandat de répondre aux besoins des Autochtones. On doit plutôt encourager ceux-ci à se conformer aux règles directrices énoncées par l'autorité supérieure proposée ci-dessus; de plus, on ne doit pas négliger de favoriser l'adaptation des programmes des ministères responsables dans le but de satisfaire aux besoins de la population autochtone du Nouveau-Brunswick.

Pour régler ces problèmes institutionnels, nous recommandons ce qui suit :

1. La mise sur pied ou la restructuration d'une entité dans le but de regrouper les programmes existants et d'élaborer de nouveaux programmes visant à offrir des services provinciaux qui tiennent compte de la situation particulière des Néo-Brunswickois autochtones. Ce travail devrait être considéré comme une priorité de première importance que l'on confiera à un ministre responsable. Au plan administratif, l'entité devrait relever d'un sous-ministre en titre qui ne s'occuperait que des questions autochtones.

Nous sommes bien conscients de la tendance qui prévaut actuellement au sein de l'appareil fédéral et qui consiste à mettre davantage l'accent sur les questions autochtones dans chacun des ministères, plutôt qu'à s'en remettre entièrement au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous pouvons aussi concevoir que le gouvernement provincial soit tenté d'adopter la même approche. Toutefois, sans vouloir être pointilleux, nous constatons que ce qui se passe à l'échelon fédéral pourrait être considéré comme une étape d'un processus évolutif qui ne s'est pas encore mis en branle au Nouveau-Brunswick. À cet égard, on ne trouve rien au Nouveau-Brunswick qu'un organisme central pourrait déléguer aux autres ministères. En somme, l'armoire est vide.

Nous devons aussi faire remarquer que les relations entre le gouvernement provincial et la population autochtone restent tendues, ce qui nous porte à conclure que les actes du passé n'ont pas nécessairement été couronnés de succès. Qui plus est, la multiplication des organismes qui s'occupent des questions autochtones complique à l'extrême les communications entre le gouvernement et les collectivités autochtones. Bref, les collectivités autochtones doivent savoir qui peut intervenir auprès d'elles.

Pour tous ces motifs, nous sommes persuadés qu'une autorité centrale est indispensable à l'amélioration des relations entre les collectivités autochtones et le gouvernement provincial au Nouveau-Brunswick. Nous ne souhaitons pas voir les Autochtones de la province enfermés dans une sorte de ghetto, mais nous constatons qu'ils ont grand besoin d'un guichet unique qui leur donnerait accès au gouvernement provincial, du moins jusqu'à ce que les relations s'améliorent et que la bureaucratie soit mieux en mesure de s'occuper de leurs préoccupations.

Nous formulons aussi la recommandation qui suit :

2. La création d'un guichet unique qui distribuerait aux Autochtones des renseignements au sujet des programmes gouvernementaux et qui renseignerait les ministères concernés à propos de la population autochtone. Le gouvernement devrait étudier la possibilité de mettre sur pied un organisme fédéral-provincial.

Nous constatons que les structures actuelles pourraient servir à combler certains des besoins à cet égard. À titre d'exemple, Services Nouveau-Brunswick pourrait être le service gouvernemental tout indiqué pour renseigner les collectivités autochtones au sujet du gouvernement et de ses programmes. Nous pourrions aussi envisager que certaines de ces activités soient logiquement confiées à Communications Nouveau-Brunswick, surtout pour faire en sorte que les médias de la province soient tenus au courant des enjeux qui concernent les collectivités autochtones et le gouvernement provincial.

Le gouvernement fédéral doit aussi jouer un rôle dans la diffusion de renseignements à la population autochtone. Le Nouveau-Brunswick ne jouit pas d'une forte présence fédérale dans les dossiers concernant les Autochtones. Le bureau régional des Affaires indiennes est situé à Amherst, en Nouvelle-Écosse, et il dessert toutes les provinces de l'Atlantique. Les collectivités autochtones ont dénoncé à maintes reprises l'absence de communications réelles avec ce bureau, et elles ont proposé que les Affaires indiennes offrent des services plus « terre à terre » au Nouveau-Brunswick.

Nous incitons aussi notre interlocuteur fédéral à établir des communications périodiques et à entamer le dialogue avec le New Brunswick Aboriginal Peoples Council et le gouvernement provincial.

Nous recommandons en plus :

3. L'établissement d'un comité législatif sur les questions autochtones. En outre, on devrait prévoir une journée de rencontre annuelle entre les chefs, l'Aboriginal Peoples Council, le premier ministre et le Cabinet. Le premier ministre devrait prendre les dispositions nécessaires pour rencontrer les chefs et l'Aboriginal Peoples Council dans les plus brefs délais et pour établir un lien permanent entre les chefs, l'Aboriginal Peoples Council et le gouvernement à l'échelon ministériel.

4. L'élaboration d'une politique visant l'embauche d'Autochtones à des postes de la fonction publique où ils s'occuperont plus particulièrement des problèmes autochtones et, en général, des questions de politique.

De plus, nous invitons le gouvernement provincial à examiner, le cas échéant, les façons de faire participer davantage les entreprises autochtones à l'octroi des contrats gouvernementaux.

Nous recommandons ce qui suit :

5. La mise sur pied d'un organisme (ou d'un programme) dans le but de favoriser l'embauche d'Autochtones à tous les échelons de la fonction publique et de promouvoir l'égalité d'accès à l'emploi des Autochtones dans les autres organismes publics, y compris dans les municipalités, ainsi que dans les organisations privées.

Nous faisons une fois de plus remarquer les très sombres perspectives d'emploi dans les réserves ainsi que la nécessité d'accroître la représentation autochtone dans tous les genres d'emploi. Les Autochtones devraient aussi pouvoir faire carrière au sein de l'ensemble de la population comme enseignants, avocats, commerçants, travailleurs de la construction, travailleurs sociaux et dans une foule d'autres domaines. Nous invitons le gouvernement provincial à élaborer des règles directrices qui contribueront à combler à long terme les besoins d'emploi des autochtones.

Étant donné que bien des enjeux auxquels font face les Autochtones du Nouveau-Brunswick relèvent de la compétence de différentes administrations, nous recommandons ce qui suit 

6. La mise sur pied de comités tripartites composés de représentants des gouvernements fédéral et provincial ainsi que de la population autochtone vivant dans les réserves et hors de celles-ci dans le but de régler les questions qui relèvent de ces paliers de gouvernement.

Un certain nombre d'Autochtones ont aussi proposé que des sièges soient réservés à la population autochtone à l'Assemblée législative, tandis que d'autres s'opposent à cette idée. Notre groupe de travail n'a pas étudié cette question en profondeur, mais nous remarquons que le gouvernement semble intéressé à le faire. La proposition qui fait déjà l'objet de discussions entre le gouvernement et les dirigeants autochtones constituerait un bon point de départ.

Sensibilisation culturelle et développement social

Nous croyons que le gouvernement provincial doit contribuer à aider tous les Néo-Brunswickois à prendre conscience de la diversité culturelle qui caractérise notre province. Depuis des décennies, les Néo-Brunswickois vantent le caractère bilingue de leur province et le fait que deux cultures distinctes cohabitent sur le même territoire. Comme le faisait remarquer Camille Thériault au moment d'être assermenté comme 29e premier ministre du Nouveau-Brunswick : « Nous devons nous instruire nous-mêmes et nous ouvrir à la vaste diversité culturelle et sociale qui caractérise notre pays dans son ensemble. » Pourquoi ne pas commencer chez nous? Par conséquent, nous formulons les recommandations suivantes :

7. On devrait mobiliser la population dans le but de combler le fossé culturel qui existe entre la collectivité autochtone et la population non autochtone du Nouveau-Brunswick. Cet effort devrait comprendre des campagnes de sensibilisation visant toutes les couches de la société néo-brunswickoise ainsi que des programmes spéciaux à l'intention des enseignants, des employeurs et des employés de la fonction publique. Des programmes semblables devraient être élaborés à l'intention des collectivités autochtones afin de les renseigner au sujet des mécanismes du gouvernement provincial et des programmes et services qui leur sont destinés.

8. Dans la mesure du possible, le gouvernement provincial devrait respecter les valeurs et les traditions de la population autochtone en ce qui concerne la protection des lieux sacrés et des plantes traditionnellement utilisées à des fins médicinales et spirituelles, lui permettre d'avoir un accès raisonnable aux peuplements de frênes en vue de la production de paniers et l'autoriser à ramasser des plumes d'aigle pour des fins spirituelles.

Étant donné que 1999 a été décrétée l'Année des personnes âgées, nous invitons les autorités fédérales et provinciales à soutenir et à promouvoir les échanges entre les aînés et les jeunes autochtones ainsi qu'entre les jeunes et les personnes âgées du Nouveau-Brunswick. De telles activités pourraient avoir une valeur incommensurable, puisqu'elles permettraient d'éliminer les barrières culturelles dans la population.

Nous encourageons aussi le gouvernement provincial à soutenir les efforts de la Direction des sports, des loisirs et de la vie active de son ministère des Municipalités et de l'Habitation. Cette direction a présenté un exposé devant le groupe de travail au début du mandat de celui-ci, dans lequel elle faisait état d'un certain nombre d'idées visant à promouvoir les sports et les loisirs. Nous avons remarqué que le gouvernement provincial a déjà contribué au financement de la participation d'une équipe du Nouveau-Brunswick aux Jeux de l'amitié autochtone. Ces jeux se déroulent habituellement dans un endroit éloigné, et les frais de déplacement de l'équipe peuvent être considérables.

L'appareil judiciaire

Nous avons déjà fait mention des difficultés imputables aux obstacles linguistiques et culturels que connaît la population autochtone lorsqu'elle a affaires à l'appareil judiciaire. Dans ce domaine, nous recommandons ce qui suit :

9. Le gouvernement provincial devrait adopter le programme des aides judiciaires.

10. Les juges devraient se renseigner au sujet des valeurs de la population autochtone; en outre, lorsqu'ils condamnent des contrevenants autochtones, ils devraient tenir compte du paragraphe 718.2e) du Code criminel du Canada, qui se lit comme suit :

« (…) l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones. »

ans son travail auprès des jeunes contrevenants autochtones,

11. Le procureur général devrait tenir compte de l'article 69 de la Loi sur les jeunes contrevenants qui régit le recours aux comités de justice pour la jeunesse et qui se lit comme suit :

« Le procureur général d'une province ou tout autre ministre désigné par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province, ou leur délégué, peut établir des comités de citoyens dits comités de justice pour la jeunesse et prévoir leurs fonctions et le mode de nomination de leurs membres. Ces comités ont pour mission de prêter leur concours, à titre bénévole, à la mise en œuvre de la présente loi ainsi qu'à tout service ou programme pour jeunes contrevenants. »

Cet article de la Loi sur les jeunes contrevenants a été appliqué avec succès dans les collectivités autochtones d'un certain nombre de provinces. En règle générale, on peut l'invoquer pour confier à la collectivité concernée la responsabilité de réadapter l'adolescent en difficulté.

Nous aimerions aussi parler du Réseau d'apprentissage de la justice autochtone du gouvernement fédéral qui a été mis sur pied dans le but de combler le fossé culturel qui existe entre la population autochtone et l'appareil judiciaire canadien. Ce projet touche des questions comme les mesures de rechange, les conseils de détermination de la peine ainsi que les conférences et les ateliers qui visent à améliorer les relations entre la population autochtone, les juges, les policiers, les agents de probation et les conseillers en toxicomanie. Le gouvernement provincial et les premières nations devraient étudier le Réseau d'apprentissage de la justice autochtone afin d'évaluer l'utilité de ces ressources fédérales pour le Nouveau-Brunswick.

En ce qui concerne la médiation du Tribunal de la famille, nous recommandons ce qui suit :

12. Le gouvernement provincial devrait organiser des rencontres entre les Autochtones et les travailleurs sociaux rattachés au Tribunal de la famille afin d'aider les clients autochtones à mieux comprendre le processus de la médiation. Un programme de sensibilisation culturelle devrait être mis à la disposition des travailleurs sociaux rattachés au Tribunal de la famille.

Cette mesure serait particulièrement utile, puisqu'un grand nombre d'Autochtones ne peuvent profiter pleinement du processus de la médiation en raison des obstacles linguistiques et culturels qui se dressent sur leur chemin.

Gestion forestière sur les terres de la Couronne

Même si la Loi sur les terres et forêts de la Couronne est généralement considérée comme une bonne mesure législative, il y a place à l'amélioration. La Loi date de près de vingt ans et ne tient pas compte, dans sa forme actuelle, des changements qui sont survenus dans l'intervalle. Cela ne signifie pas que le gouvernement a fait fi des valeurs nouvelles. Il en a tenu compte, mais la Loi n'a pas été modifiée en conséquence. Si on prévoyait clairement dans la Loi des dispositions au sujet de l'environnement, des lieux sacrés et des forêts protégées, on inciterait vraiment les administrateurs à prendre connaissance de ces questions.

Lorsqu'on a rédigé la Loi, on a pris soin de protéger les plus petites collectivités qui dépendaient des ressources forestières. Théoriquement, cette décision ne semble peut-être pas la meilleure au plan économique ou commercial, mais elle était éminemment justifiable du point de vue de la protection connexe qu'elle procurait aux collectivités établies. La même justification aurait pu être employée dans le cas des collectivités autochtones, ce qui n'a jamais été envisagé. Le moment est venu de corriger cette erreur et de dire aux collectivités autochtones qu'elles pourront continuer d'une façon quelconque à avoir accès aux ressources dont elles bénéficient actuellement, de sorte à leur permettre de tirer avantage des possibilités de développement économique.

Nous croyons aussi que certaines désignations devraient être revues. Les expressions « titulaires de permis » et « titulaires de sous-permis » prêtent à confusion. Ces derniers ne jouent pas le rôle de filiales des titulaires de permis, mais ils ont droit à une certaine allocation de bois pour leur propre usage. Bien sûr, les titulaires de permis doivent allouer des droits de coupe à divers endroits dans l'exécution de leurs tâches en matière de gestion forestière.

Nous avons malheureusement appris que de nombreux Néo-Brunswickois ne sont pas conscients de la façon dont leurs forêts sont gérées. À cause de ce manque d'information, ils ne sont pas en mesure de tenir un discours éclairé au sujet de la gestion et de l'avenir de cette ressource critique, même si la Loi elle-même permet à la population de donner son avis sur les divers plans de gestion qui sont élaborés par l'industrie.

Cette situation provoque un problème singulier aujourd'hui, car on demande aux Néo-Brunswickois de se pencher sur des sujets comme la Stratégie sur les zones protégées qui, si elle était mise en œuvre, ferait en sorte que des milliers d'hectares de terres de la Couronne seraient réservés à des fins de protection.

Compte tenu de ce qui précède, nous formulons les recommandations suivantes :

13. La Loi sur les terres et forêts de la Couronne devrait contenir des dispositions sur la protection des sites sacrés et archéologiques et être formulée de manière à tenir compte des droits autochtones et ancestraux et à inciter les Autochtones à prendre part à la gestion de la forêt.

14. On devrait mettre sur pied une campagne visant à renseigner la population dans son ensemble au sujet de la façon dont les terres de la Couronne sont gérées au Nouveau-Brunswick. Nous croyons que cette activité devrait s'inscrire dans le cadre d'un effort commun de la part de l'industrie forestière et du ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie.

Nous avons noté que le document de principe qui est utilisé en matière de gestion forestière dans la province est le Guide de gestion forestière produit par le ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie. On devra voir à donner aux Autochtones qui travaillent dans l'industrie forestière du Nouveau-Brunswick une formation axée sur les principes énoncés dans ce guide.

Nous aimerions aussi attirer l'attention des intéressés sur le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. La partie II du volume deux, qui s'intitule Restructurer nos relations, énonce une panoplie de recommandations utiles, en particulier en ce qui concerne l'accès aux ressources des terres de la Couronne, les mécanismes de cogestion, la compétence et la participation des Autochtones aux activités du secteur forestier.

Par conséquent, nous recommandons aussi ce qui suit :

15. Le gouvernement provincial et les dirigeants autochtones devraient entreprendre des discussions axées sur les recommandations contenues aux chapitres 7.2 et 7.3 du volume deux (Restructurer nos relations) et au chapitre 6.1 du volume trois (Rassembler nos forces) du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones.

La commission fait aussi référence à la Stratégie nationale sur les forêts canadiennes, qui a été adoptée en 1992 et qui met l'accent sur la population autochtone avec les objectifs suivants :

« (…) augmenter la participation de la population autochtone à la gestion des terres forestières, assurer la reconnaissance des droits autochtones et ancestraux en matière de gestion forestière et accroître les possibilités de développement économique dans le secteur forestier au bénéfice de la collectivité autochtone. »

L'Accord canadien sur les forêts de 1998, qui a été signé par le gouvernement du Nouveau-Brunswick, le ministère fédéral des Ressources naturelles, d'autres administrations provinciales et un certain nombre de représentants de l'industrie, met aussi l'accent sur ces questions. Cet accord représente un engagement important envers la population canadienne et mondiale, puisqu'il prévoit ce qui suit :

« (…) conserver et améliorer la santé à long terme de nos écosystèmes forestiers pour le bénéfice de tous les organismes vivants à l'échelle nationale et globale, tout en procurant à la génération actuelle et aux générations futures des possibilités de développement environnemental, économique, social et culturel . »

Les signataires de l'accord ont convenu d'agir en fonction de leur engagement en prenant les mesures suivantes :

« Reconnaître les traités autochtones et ancestraux et prendre les dispositions qui s'imposent à leur sujet, assurer la participation des Autochtones à la gestion de la forêt et à la prise de décisions dans la mesure de leurs droits, soutenir les activités traditionnelles et modernes en matière de développement économique et atteindre la viabilité en matière de gestion forestière des réserves amérindiennes. »

Les signataires se sont aussi engagés à préparer, d'ici la fin de 1998, des plans d'action publics et mesurables relativement à leurs engagements. Étant donné que le gouvernement provincial a donné son accord de principe à l'Accord canadien sur les forêts, nous recommandons aussi ce qui suit :

16. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick devrait établir son plan d'action pour donner suite aux engagements qu'il a pris dans le cadre de l'accord. Dans sa préparation, le gouvernement devrait prendre en considération les objectifs de la stratégie de 1992, l'entente actuelle ainsi que les recommandations pertinentes du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Lorsqu'il sera terminé, le plan devrait être mis à la disposition du public.

Participation des Autochtones à l'industrie forestière

Nos discussions avec la population autochtone ont fait ressortir clairement le fait que celle-ci pensait avoir l'occasion d'atteindre pour la première fois une certaine stabilité économique à la suite de la décision du juge Turnbull. Mais nous avons constaté avec inquiétude que certains envisageaient cette occasion de façon plutôt étroite, c'est-à-dire que la récolte du bois était à leurs yeux la seule solution à leurs problèmes d'emploi. Si on fait abstraction de la question des droits, on ne doit pas s'étonner du fait que l'importance de l'allocation consentie par le ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie a été remise en question, puisque le simple fait de couper une telle quantité de bois ne suffira certes pas à régler pour de bon les problèmes de chômage chronique que connaissent certaines collectivités.

Nous invitons la population autochtone du Nouveau-Brunswick à ne pas se limiter à la récolte et à envisager des façons d'ajouter de la valeur à son allocation. Nous ne sommes pas en mesure de recommander qu'une allocation de bois particulière soit réservée aux Autochtones du Nouveau-Brunswick; cette question doit plutôt faire l'objet de négociations entre les dirigeants autochtones et le gouvernement provincial. De plus, les tribunaux sont actuellement saisis d'instances qui ont trait à l'accès aux ressources.

Nous devons aussi rappeler que la participation aux activités de l'industrie forestière n'est qu'une des composantes de la situation de l'emploi et de l'économie au sein de la population autochtone du Nouveau-Brunswick, et que d'autres avenues devront être examinées.

Tant l'industrie que le gouvernement provincial ont reconnu qu'il fallait encourager les Autochtones à s'intéresser à l'industrie forestière. À cette fin, comme nous l'avons fait oralement, nous recommandons ce qui suit :

17. L'industrie forestière devrait prendre rapidement les dispositions qui s'imposent dans le but d'accroître la participation des Autochtones; ces dispositions pourraient revêtir plusieurs formes, comme l'emploi direct dans l'industrie, les relations contractuelles ou le travail dans un secteur connexe (sylviculture, transformation à valeur ajoutée, livraison, etc.).

Nous avons pris note du fait que le ministre des Ressources naturelles et de l'Énergie semble disposer du pouvoir nécessaire, en vertu des ententes avec les titulaires de permis et de sous-permis, pour aider la population autochtone de la province à participer à ces activités. Le paragraphe 14.2.2 de l'entente modifiée actuelle sur la mise en valeur des forêts, qui a été signée par le gouvernement provincial et les titulaires de permis, se lit comme suit :

[trad.,] « (…) Le Ministre peut au besoin demander que des entrepreneurs forestiers indépendants et d'anciens titulaires de permis relatifs aux terres de la Couronne qui font l'objet de la présente entente s'occupent d'activités de récolte, de transport et de sylviculture sur lesdites terres de la Couronne d'une manière conforme au plan d'exploitation, et l'entreprise accepte de se plier à de telles demandes. »

Cette stipulation s'inspire de l'article 35 de la Loi sur les terres et forêts de la Couronne, qui énonce ce qui suit :

« 35(1) Par dérogation à l'article 30, lorsque le Ministre après avoir consulté le titulaire du permis,

b) après avoir pris en considération leurs besoins raisonnables en bois des terres de la Couronne, et

c) prenant en considération les caractéristiques de l'emploi dans la province, estime dans l'intérêt du public de le faire, il peut prendre l'ensemble ou l'une quelconque des mesures suivantes :

d) étendre ou réduire l'étendue de terres de la Couronne décrite dans un permis,

e) modifier les limites de terres de la Couronne décrites dans un permis,

f) réattribuer les terres de la Couronne aux titulaires de permis,

g) attribuer les terres de la Couronne à des personnes pour des fins autres que celles autorisées par un permis, ou

h) désigner l'étendue de terres de la Couronne retirée d'un permis en vertu de l'alinéa d) comme secteur réservé aux autorisations de coupe sur les terres de la Couronne.

Nous sommes au courant que quelques projets sont susceptibles d'être présentés au gouvernement provincial au nom de la population autochtone dans le but de construire ou d'acquérir une ou des scieries dans la province. Même si nous sommes en faveur de la notion d'installations de production autochtones, nous connaissons la disponibilité de la fibre dans la province et nous savons qu'il faut respecter les possibilités de coupe annuelles.

Nous encourageons les dirigeants autochtones et les fonctionnaires concernés des gouvernements fédéral et provincial à entreprendre des discussions relativement à des activités à valeur ajoutée qui pourraient être réalisées dans le cadre de la part de cinq pour cent de la possibilité de coupe annuelle et de l'acquisition possible d'installations existantes qui iraient de pair avec l'allocation consentie. À nos yeux, les activités à valeur ajoutée équivalent par exemple à la transformation du bois d'œuvre en contre-plaqué, à la production de meubles ou à l'utilisation optimale des résidus des activités de coupe.

Comme nous l'avons indiqué auparavant, nous reconnaissons la complexité de l'industrie forestière moderne ainsi que la formation technique qu'elle exige. Les représentants de l'industrie nous ont aussi fait comprendre qu'un nombre insuffisant d'Autochtones avaient acquis la formation dont ils ont besoin pour faire leur marque dans ce secteur très moderne.

Pour répondre à ce besoin, nous recommandons l'adoption des mesures suivantes :

18. Les administrations fédérale, provinciale et autochtone devraient élaborer un programme de formation préalable afin d'aider les Autochtones à acquérir les connaissances fondamentales dont ils ont besoin pour réussir des programmes de formation plus spécialisés.

19. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick, de concert avec le gouvernement fédéral et les dirigeants des collectivités autochtones, devrait réserver un certain nombre de places dans les collèges communautaires de la province de sorte à dispenser une formation préparatoire au travail dans l'industrie forestière à l'intention des étudiants autochtones. Ces étudiants devraient aussi avoir accès à des services et programmes qui tiennent compte de leur culture et qui les aident à terminer leurs études.

20. On devrait aussi encourager l'École de gardes forestiers des Maritimes à continuer de travailler auprès des étudiants autochtones afin de les préparer à un emploi dans l'industrie ainsi qu'avec le gouvernement provincial.

21. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick devrait intégrer ses divers programmes de formation à un programme remanié conçu avec l'aide du gouvernement fédéral, lequel serait axé sur la gestion viable des forêts des premières nations. Pour ce faire, il devrait soutenir davantage le programme de foresterie des premières nations qui doit se terminer à la fin de 2001, ou élaborer un nouveau programme en fonction des besoins particuliers des premières nations du Nouveau-Brunswick.

Compte tenu des compétences de calibre mondial dont dispose l'industrie forestière du Nouveau-Brunswick, nous recommandons en outre ce qui suit :

22. Le premier ministre devrait convoquer et présider une rencontre entre les représentants de l'industrie et les dirigeants des collectivités autochtones afin de discuter des façons dont le gouvernement et l'industrie pourraient aider les Autochtones à faire leur entrée dans le secteur forestier.

Développement économique

L'accès à l'industrie forestière n'est évidemment pas une panacée. À l'instar de tous les Néo-Brunswickois, les Autochtones ne peuvent compter sur une composante restreinte d'une seule industrie pour gagner leur vie. Ils doivent aussi examiner d'autres possibilités en matière de développement économique et de création d'emplois.

Lors de nos déplacements pour rencontrer les diverses collectivités et organisations, nous avons été très impressionnés par un certain nombre de projets intéressants mais peu connus qui ont été mis sur pied par les premières nations de la province. Nous avons déjà mentionné l'Expérience micmaque de Bouctouche; Eel River Bar s'est dotée d'un jardin patrimonial et d'une participation dans une entreprise de fabrication de matériel de terrains de jeux.

Les résidents de la réserve de Red Bank s'efforcent de préparer un site archéologique sur le mont Augustine, et ceux de la première nation de Pabineau s'affairent à la construction de chalets. Et ce ne sont pas les seuls projets.

Des occasions évidentes se présentent dans les secteurs touristique et culturel, mais on a besoin d'aide pour les éléments de base, comme l'infrastructure. On trouve parfois de bons aménagements, mais les routes pour s'y rendre ne sont pas adéquates. Ailleurs, la signalisation routière et autre est souvent insuffisante et les autres infrastructures, comme les restaurants, les lieux d'hébergement et les toilettes, font défaut. Certains se sont même plaints du fait que, dans certains cas, aucun panneau routier n'indique l'emplacement de la réserve elle-même.

Compte tenu de ce qui précède, nous formulons la recommandation suivante :

23. Lorsqu'ils négocieront à l'avenir des ententes sur les infrastructures et le développement économique, les gouvernements fédéral et provincial devraient demander à des représentants de la population autochtone de participer aux discussions.

L'initiative conjointe de développement économique (ICDE) a eu des retombées intéressantes en ce qui concerne le développement économique des collectivités autochtones du Nouveau-Brunswick. Nous avons été heureux d'apprendre que le comité consultatif est solide et responsable et qu'il suscite la participation des administrations fédérale, provinciale et autochtone. Ses rencontres sont ouvertes à tous ceux qui souhaitent y participer. Toutefois, il ne dispose pas des pouvoirs qui lui permettraient de promouvoir avec vigueur la mise en valeur du potentiel des entreprises des premières nations ni d'aider les entreprises naissantes à acquérir certains des outils dont elles ont besoin, comme des ordinateurs.

Nous incitons les trois administrations à continuer de participer à l'ICDE et nous recommandons ce qui suit :

24. On devrait rendre l'ICDE plus visible et lui consacrer davantage de ressources de sorte qu'elle soit mieux en mesure de satisfaire aux besoins de la population autochtone, en particulier aux chapitres de la formation et du soutien des projets de développement économique.

Nous incitons aussi le gouvernement provincial à promouvoir le dialogue et les partenariats entre les entreprises autochtones et non autochtones.

Dans ce but, nous recommandons ce qui suit :

25. Que l'on réunisse les chefs d'industries, les représentants du milieu des affaires et les groupes de gens d'affaires ainsi que les dirigeants des premières nations dans le cadre d'une rencontre présidée par le premier ministre ou un ministre en titre. Cette rencontre porterait sur les façons d'accroître la place des Autochtones dans l'économie néo-brunswickoise.

Le tourisme est l'industrie qui connaît la croissante la plus forte au monde, à un point tel qu'elle sera bientôt la plus importante, selon les prévisions. De nombreuses possibilités s'offrent aux Autochtones dans ce secteur. Qu'il s'agisse de concevoir un « sentier autochtone », de promouvoir l'écotourisme ou de fabriquer des produits traditionnels, on devrait inciter les Autochtones à participer activement aux activités de ce secteur.

Au fur et à mesure que croît la population autochtone du Nouveau-Brunswick, il deviendra important pour les gouvernements de trouver des manières d'intégrer les premières nations au processus décisionnel gouvernemental, à l'économie provinciale et à la société néo-brunswickoise dans son ensemble.

Conclusion

Nous ne prétendons pas posséder les réponses à toutes les questions que d'aucuns soupèsent depuis des années. Mais nous voulons dire à tous les Néo-Brunswickois qu'il y a de l'espoir et qu'il existe des possibilités. Nous devons espérer que la population autochtone du Nouveau-Brunswick et le gouvernement provincial nouent des relations plus respectueuses et productives, et nous avons la possibilité de bâtir une société plus tolérante et davantage à l'écoute. Nous croyons fermement que l'établissement de communications permanentes entre les collectivités et l'engagement de la part des dirigeants autochtones et non autochtones constituent un premier pas vers la réalisation de ces objectifs.

En tant que Néo-Brunswickois, nous pouvons nous apitoyer sur les événements qui se sont produits au cours de l'hiver et du printemps 1998, ou nous pouvons nous tourner vers l'avenir, conscients que nous sommes d'avoir été transformés à jamais et prêts à améliorer les relations entre les Néo-Brunswickois autochtones et non autochtones.

Nous savons qu'il faudra du temps et du dévouement pour y arriver. Nous nous sommes réjouis des premières étapes qu'ont franchi le premier ministre Thériault et les dirigeants autochtones lors de leur rencontre du 22 janvier 1999. Nous espérons que les réflexions que nous avons formulées dans le présent document contribueront à orienter un processus qui doit se poursuivre à longue échéance.

Voici ce que M. Albert Levi a déclaré le 10 décembre 1998 :

Le moment est venu de discuter. Les paroles s'envolent, mais elles peuvent aussi améliorer de façon durable les relations entre les Autochtones et le gouvernement provincial. C'est l'ère nouvelle que je vois et espère dans l'arène politique.

En terminant, nous désirons remercier l'ancien premier ministre Frenette, le premier ministre Thériault, tous les chefs des premières nations, les dirigeants des collectivités autochtones du Nouveau-Brunswick ainsi que toutes et chacune des personnes qui ont pris le temps de nous faire connaître leurs opinions et leurs expériences.

Liste des recommandations

1. La mise sur pied ou la restructuration d'une entité dans le but de regrouper les programmes existants et d'élaborer de nouveaux programmes visant à offrir des services provinciaux qui tiennent compte de la situation particulière des Néo-Brunswickois autochtones. Ce travail devrait être considéré comme une priorité de première importance que l'on confiera à un ministre responsable. Au plan administratif, l'entité devrait relever d'un sous-ministre en titre qui ne s'occuperait que des questions autochtones.

2. La création d'un guichet unique qui distribuerait aux Autochtones des renseignements au sujet des programmes gouvernementaux et qui renseignerait les ministères concernés à propos de la population autochtone. Le gouvernement devrait étudier la possibilité de mettre sur pied un organisme fédéral-provincial.

3. L'établissement d'un comité législatif sur les questions autochtones. En outre, on devrait prévoir une journée de rencontre annuelle entre les chefs, l'Aboriginal Peoples Council, le premier ministre et le Cabinet. Le premier ministre devrait prendre les dispositions nécessaires pour rencontrer les chefs et l'Aboriginal Peoples Council dans les plus brefs délais et pour établir un lien permanent entre les chefs, l'Aboriginal Peoples Council et le gouvernement à l'échelon ministériel.

4. L'élaboration d'une politique visant l'embauche d'Autochtones à des postes de la fonction publique où ils s'occuperont plus particulièrement des problèmes autochtones et, en général, des questions de politique.

5. La mise sur pied d'un organisme (ou d'un programme) dans le but de favoriser l'embauche d'Autochtones à tous les échelons de la fonction publique et de promouvoir l'égalité d'accès à l'emploi des Autochtones dans les autres organismes publics, y compris dans les municipalités, ainsi que dans les organisations privées.

6. La mise sur pied de comités tripartites composés de représentants des gouvernements fédéral et provincial ainsi que de la population autochtone vivant dans les réserves et hors de celles-ci dans le but de régler les questions qui relèvent de ces paliers de gouvernement.

7. On devrait mobiliser la population dans le but de combler le fossé culturel qui existe entre la collectivité autochtone et la population non autochtone du Nouveau-Brunswick. Cet effort devrait comprendre des campagnes de sensibilisation visant toutes les couches de la société néo-brunswickoise ainsi que des programmes spéciaux à l'intention des enseignants, des employeurs et des employés de la fonction publique. Des programmes semblables devraient être élaborés à l'intention des collectivités autochtones afin de les renseigner au sujet des mécanismes du gouvernement provincial et des programmes et services qui leur sont destinés.

8. Dans la mesure du possible, le gouvernement provincial devrait respecter les valeurs et les traditions de la population autochtone en ce qui concerne la protection des lieux sacrés et des plantes traditionnellement utilisées à des fins médicinales et spirituelles, lui permettre d'avoir un accès raisonnable aux peuplements de frênes en vue de la production de paniers et l'autoriser à ramasser des plumes d'aigle pour des fins spirituelles.

9. Le gouvernement provincial devrait adopter le programme des aides judiciaires.

10. Les juges devraient se renseigner au sujet des valeurs de la population autochtone; en outre, lorsqu'ils condamnent des contrevenants autochtones, ils devraient tenir compte du paragraphe 718.2e) du Code criminel du Canada, qui se lit comme suit :

« (…) l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones. »

11. Le procureur général devrait tenir compte de l'article 69 de la Loi sur les jeunes contrevenants qui régit le recours aux comités de justice pour la jeunesse et qui se lit comme suit :

« Le procureur général d'une province ou tout autre ministre désigné par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province, ou leur délégué, peut établir des comités de citoyens dits comités de justice pour la jeunesse et prévoir leurs fonctions et le mode de nomination de leurs membres. Ces comités ont pour mission de prêter leur concours, à titre bénévole, à la mise en œuvre de la présente loi ainsi qu'à tout service ou programme pour jeunes contrevenants. »

12. Le gouvernement provincial devrait organiser des rencontres entre les Autochtones et les travailleurs sociaux rattachés au Tribunal de la famille afin d'aider les clients autochtones à mieux comprendre le processus de la médiation. Un programme de sensibilisation culturelle devrait être mis à la disposition des travailleurs sociaux rattachés au Tribunal de la famille.

13. La Loi sur les terres et forêts de la Couronne devrait contenir des dispositions sur la protection des sites sacrés et archéologiques et être formulée de manière à tenir compte des droits autochtones et ancestraux et à inciter les Autochtones à prendre part à la gestion de la forêt.

14. On devrait mettre sur pied une campagne visant à renseigner la population dans son ensemble au sujet de la façon dont les terres de la Couronne sont gérées au Nouveau-Brunswick. Nous croyons que cette activité devrait s'inscrire dans le cadre d'un effort commun de la part de l'industrie forestière et du ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie.

15. Le gouvernement provincial et les dirigeants autochtones devraient entreprendre des discussions axées sur les recommandations contenues aux chapitres 7.2 et 7.3 du volume deux (Restructurer nos relations) et au chapitre 6.1 du volume trois (Rassembler nos forces) du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones.

16. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick devrait établir son plan d'action pour donner suite aux engagements qu'il a pris dans le cadre de l'accord. Dans sa préparation, le gouvernement devrait prendre en considération les objectifs de la stratégie de 1992, l'entente actuelle ainsi que les recommandations pertinentes du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Lorsqu'il sera terminé, le plan devrait être mis à la disposition du public.

17. L'industrie forestière devrait prendre rapidement les dispositions qui s'imposent dans le but d'accroître la participation des Autochtones; ces dispositions pourraient revêtir plusieurs formes, comme l'emploi direct dans l'industrie, les relations contractuelles ou le travail dans un secteur connexe (sylviculture, transformation à valeur ajoutée, livraison, etc.).

18. Les administrations fédérale, provinciale et autochtone devraient élaborer un programme de formation préalable afin d'aider les Autochtones à acquérir les connaissances fondamentales dont ils ont besoin pour réussir des programmes de formation plus spécialisés.

19. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick, de concert avec le gouvernement fédéral et les dirigeants des collectivités autochtones, devrait réserver un certain nombre de places dans les collèges communautaires de la province de sorte à dispenser une formation préparatoire au travail dans l'industrie forestière à l'intention des étudiants autochtones. Ces étudiants devraient aussi avoir accès à des services et programmes qui tiennent compte de leur culture et qui les aident à terminer leurs études.

20. On devrait aussi encourager l'École de gardes forestiers des Maritimes à continuer de travailler auprès des étudiants autochtones afin de les préparer à un emploi dans l'industrie ainsi qu'avec le gouvernement provincial.

21. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick devrait intégrer ses divers programmes de formation à un programme remanié conçu avec l'aide du gouvernement fédéral, lequel serait axé sur la gestion viable des forêts des premières nations. Pour ce faire, il devrait soutenir davantage le programme de foresterie des premières nations qui doit se terminer à la fin de 2001, ou élaborer un nouveau programme en fonction des besoins particuliers des premières nations du Nouveau-Brunswick.

22. Le premier ministre devrait convoquer et présider une rencontre entre les représentants de l'industrie et les dirigeants des collectivités autochtones afin de discuter des façons dont le gouvernement et l'industrie pourraient aider les Autochtones à faire leur entrée dans le secteur forestier.

23. Lorsqu'ils négocieront à l'avenir des ententes sur les infrastructures et le développement économique, les gouvernements fédéral et provincial devraient demander à des représentants de la population autochtone de participer aux discussions.

24. On devrait rendre l'ICDE plus visible et lui consacrer davantage de ressources de sorte qu'elle soit mieux en mesure de satisfaire aux besoins de la population autochtone, en particulier aux chapitres de la formation et du soutien des projets de développement économique.

25. Que l'on réunisse les chefs d'industries, les représentants du milieu des affaires et les groupes de gens d'affaires ainsi que les dirigeants des premières nations dans le cadre d'une rencontre présidée par le premier ministre ou un ministre en titre. Cette rencontre porterait sur les façons d'accroître la place des Autochtones dans l'économie néo-brunswickoise.

Calendrier des rencontres du groupe de travail

 

25 mai 1998 - David MacFarlane et autres fonctionnaires du MRNE

 

29 mai 1998 Première nation de Kingsclear

 

1er juin 1998 - Première nation de Woodstock

 

4 juin 1998 - Humphrey Sheehan et Tom Spinney, Ressources naturelles et Énergie Vern Bachiu, Meadow Lake Tribal Council (NORSASK)

 

5 juin 1998 - Conseil de bande MAWIW à Tobique

 

8 juin 1998 - Tom Spinney, fonctionnaire du MRNE; Paul LeBreton, sous-ministre de la justice; David Morrison, ministère des Finances, au sujet des questions fiscales

 

9 juin 1998 - New Brunswick Aboriginal Peoples Council; Dan Horsman, ministère des Affaires intergouvernementales, au sujet de l'ICDE et d'autres programmes

 

10 juin 1998 - Rencontre avec les chefs à Moncton au cours du Congrès sur la politique atlantique

 

22 juin 1998 - M. Turnbull et Pat Allen, de Culture et patrimoine, au sujet des lieux sacrés et de la Loi sur les terres et forêts de la Couronne

 

23 juin 1998 - John Brown, MAINC (bureau régional)

 

8 juillet 1998 - Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick (David Coon et Julie Abouchar)

 

9 juillet 1998 - Rencontre avec le chef Tom Green et les conseillers de la première nation d'Oromocto

 

14 juillet 1998 - Visite de la première nation d'Oromocto; Yvon Poitras, président de la New Brunswick Sub-Licensee Forest Alliance, et Brent Wilkins

 

16 juillet 1998 - Première nation de Bouctouche; Première nation de Indian Island

 

17 juillet 1998 - Max Cater, de la New Brunswick Forest Products Association

 

21 juillet 1998 -Le premier ministre Thériault, Jean-Guy Finn, Julian Walker et Kevin Malone

 

22 juillet 1998 - Le chef et le conseil de la première nation de Big Cove

 

24 juillet 1998 - MM. Gordon Baskerville et Blake Brunston, forestier en chef de J.D. Irving ltée

 

27 juillet 1998 - Tom Reed et Tom Spinney, du MRNE

 

29 juillet 1998 - Des membres du comité sur les ressources humaines et la formation dans le secteur forestier de Miramichi; rencontre présidée par Joe O'Neill, vice-président de la division des terres boisées de Repap

 

30 juillet 1998 - Rencontre avec le ministre Doug Tyler

 

6 août 1998 - Le chef et le conseil de la première nation de Burnt Church

 

7 août 1998 - Le ministre de la Justice, Greg Byrne, et le sous-ministre, John McNair

 

10 août 1998 - Rencontre avec le New Brunswick Aboriginal Peoples Council

 

11 août 1998- Rencontre avec Dave Perley du ministère de l'Éducation

 

17 août 1998 - Rencontre avec la première nation de Fort Folly

 

18 août 1998 - Rencontre avec la première nation de Red Bank

 

18 août 1998 - Rencontre avec la première nation de Eel Ground

 

19 août 1998 - Rencontre avec la première nation de Pabineau

 

19 août 1998 - Rencontre avec la première nation de Eel River Bar

 

20 août 1998 - Rencontre avec le ministère des Municipalités et de l'Habitation (Sports, loisirs et vie active)

 

21 août 1998 - New Brunswick Association of Registered Professional Foresters

 

26 août 1998 - Rencontre avec la première nation de Eel River Bar

 

1er septembre 1998 - Rencontre avec la New Brunswick Protected Natural Area Coalition

 

2 septembre 1998 - Rencontre avec le ministre Bernard Thériault

 

3 septembre 1998 - Rencontre avec Noah Augustine

 

3 septembre 1998 - Rencontre avec les agents provinciaux de développement économique, Charles Harn et Lynn Poole

 

4 septembre 1998 - Rencontre avec le Service canadien des forêts (fédéral); Janice Campbell, Tom Murray et John Henderson

 

4 septembre 1998 - Rencontre avec le ministre Andy Scott

 

8 septembre 1998 - Rencontre avec Eva Sock

 

9 septembre 1998 - Rencontre avec Steve Ginnish à Eel Ground

 

10 septembre 1998 - Rencontre avec Bill Montour, directeur régional des Affaires indiennes

 

21 septembre 1998 - Rencontre avec la première nation de Madawaska

 

22 septembre 1998 - Rencontre avec la première nation de Tobique

 

23 septembre 1998 - Rencontre avec Doug Bridgman, du programme d'Égalité des chances

 

24 septembre 1998 - Rencontre avec la ministre Georgie Day, DRH-NB

 

29 septembre 1998 - Rencontre avec le ministre Edmond Blanchard

 

29 septembre 1998 - Rencontre avec le ministre Roly McIntyre

 

30 septembre 1998 - Rencontre avec le ministre Greg O'Donnell; rencontre avec le premier ministre

 

1er octobre 1998 - Rencontre avec Bill Ferguson et Jeff McLeod, de DRHC

 

15 octobre 1998 - Rencontre avec Lorraine Thomas, Dave Easby et Nora Kelly, sous-ministre du travail

 

16 octobre 1998 - Rencontre avec Steve Hoyt, directeur de l'École de gardes forestiers des Maritimes

 

20 octobre 1998 - Visite des scieries de Doaktown et de Chipman avec M. Murray du MRNE

 

22 octobre 1998 - Rencontre avec les chefs à Lennox, Île-du-Prince-Édouard

 

3 novembre 1998 - Rencontre avec Don Tardie et Gérald Clavette de Fraser Papers inc.

 

16 novembre 1998 - Rencontre avec Han Martin Associates

 

17 novembre 1998 Rencontre avec le sous-ministre des affaires indiennes, Scott Serson, le sous-ministre adjoint, Denis Wallace, et John Brown

 

19 novembre 1998 - Rencontre avec la première nation de Tobique (aînés et femmes)

 

23 novembre 1998 - Rencontre avec le chef et le conseil de la première nation de St. Mary's

 

24 novembre 1998 - Rencontre avec le ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones, Bernard Thériault

 

3 décembre 1998 - Rencontre avec les aînés, les femmes et les jeunes de Big Cove

 

10 décembre 1998 - Atelier sur l'industrie forestière du groupe de travail sur les questions autochtones

 

15 décembre 1998 - Rencontre avec Julian Walker, sous-ministre des affaires intergouvernementales et autochtones

 

22 janvier 1999 - Rencontre avec le premier ministre Thériault, les chefs des premières nations et les représentants des gouvernements provincial et fédéral. Rencontre avec le bureau de direction du New Brunswick Aboriginal Peoples' Council, le premier ministre Thériault et les représentants des gouvernements provincial et fédéral