Gouvernement du Nouveau-Brunswick

Extraits de Mi’kmaq & Maliseet:
First Nations of the Maritimes, par Robert Leavitt

story_telling_1

Encore de nos jours, les collectivités malécite et micmaque ont leur conteur. Les enfants apprennent l'histoire de leur communauté en parlant aux anciens et en écoutant des légendes et des contes datant de centaines, voire de milliers d'années.

Les conteurs servent souvent les récits traditionnels au goût du jour. Ils remplaçaient les bêtes et les gens des contes anciens par de la parenté, des voisins, des personnages imagés, des démons, des fantômes, des animaux domestiques et des ancêtres, bons ou mauvais. Par exemple, l'étranger qui venait reprocher leurs péchés aux personnes qui dansaient le dimanche a plus tard pris la figure du diable lui-même, alors qu'il a aujourd'hui l'aspect d'un chien ou d'un cheval inconnu dont l'apparition est signe de mort prochaine dans la communauté.

Selon des observateurs, les conteurs malécites et Mi'kmaqs utilisent le ton de voix le plus naturel aux langues amérindiennes, un ton égal, doux et un débit légèrement rythmé.

Dans les contes, la langue autochtone apparaît dans toute sa richesse, et les conteurs n'ont que très peu ou pas du tout recours à des mots d'anglais.

La langue des conteurs est celle qui a le moins subi l'influence des langues et de la culture européennes. Les légendes renseignent également sur la façon de penser et d'être des locuteurs du malécite ou du Mi'kmaq.

Comme nous l'avons vu plus tôt, c'est le battement des ailes de Wocawson qui fait le vent, et non Wocawson lui-même. Glooskap dompte le vent en fixant une des ailes de Wocawson pour affaiblir ses mouvements. Cette description du vent comme un processus plutôt que comme un élément correspond bien à l'esprit et à la langue de la légende.

Dans une autre légende, Glooskap retient prisonnière sur un arbre Pukcinsqehs (POUKE-chine-skouèss), une femme meurtrière qui enlève des gens. Elle réussit à se libérer et à s'enfuir, sans toutefois pouvoir se défaire d'une partie du tronc, qui reste fixé sur elle comme une excroissance au dos d'un bossu. Mijotant sa revanche, elle se dit : " Comment faire, à présent, pour continuer de tourmenter les gens? Je sais! Ncossuwewiyan! (ney'ess-WÉ-wi-anne) : je me ferai moustique! " Les personnages des contes malécites et Mi'kmaqs peuvent aisément passer d'une forme humaine à une forme animale.

Les légendes transmettent d'importants enseignements d'une génération à l'autre. Au moyen d'histoires très courtes, on poursuit la pratique de donner des surnoms affectueux ou de remettre publiquement certaines personnes à leur place. Les récits sont un outil de réflexion sur les événements qui se produisent au sein de la communauté. Une histoire, plutôt que des remontrances, servira d'avertissement à un enfant dissipé.

Ces dernières années, la tradition des conteurs malécites et Mi'kmaqs a subi les mêmes pressions que les autres traditions orales canadiennes. Les familles étendues passent de moins en moins de temps ensemble, et chaque foyer dispose d'un ou de plusieurs téléviseurs. En outre, l'utilisation de plus en plus répandue de l'anglais dans les communautés amérindiennes ne favorise pas le legs et la compréhension des récits malécites et Mi'kmaqs, que l'on adapte rarement en anglais.

 

LÉGENDE DE ENIQS LA FOURMI (traduit du malécite-passamaquoddy)

Un jour, Eniqs (é-niks) la belle fourmi se promenait sur le bord de la rivière. Tout à coup, elle aperçut quelques membres de sa colonie qui jouaient à la balle de l'autre côté. Elle voulait jouer elle aussi, et réfléchit à un moyen de traverser le cours d'eau qui lui faisait obstacle.

Elle vit alors une personne en canot. Elle lui dit : " Viens me chercher! Je veux traverser pour aller jouer à la balle. Je te paierai d'une histoire. " L'homme la prit à bord de son embarcation.

" Bon!, dit l'homme, raconte-moi ton histoire! "

" Tout d'abord il me faut fumer un peu... " Eniqs se prépara à fumer. Elle bourra sa pipe, l'alluma et en prit une bouffée.

" Tu me la racontes ton histoire? "

" Une minute, je dois ranger ma pipe. " C'était une pipe minuscule, qu'elle enfouit au fond de sa poche.

" L'histoire maintenant! ", insista son conducteur.

" Hum! Attends, il faut que je me mouche d'abord. " Mais la pauvre fourmi se moucha si fort que sa tête quitta le reste de son corps. Elle ne pouvait ni raconter des histoires, ni jouer à la balle. Elle avait l'air bien piteux, à la fin!