Gouvernement du Nouveau-Brunswick

Les maladies virales ou de type viral attaquent les pommes de terre dans n'importe quel milieu de culture, et nous en avons relevé sept. Il en existe d'autres, mais elles sont rares ou absentes dans la région de l'Atlantique. Les virus diminuent rarement la comestibilité de la pomme de terre (sauf la nécrose réticulée parfois causée par le virus de I'enroulement des feuilles), mais ils diminuent le rendement. lls sont transmis par des tubercules de semence et peuvent se propager de plant en plant sur de grandes surfaces du champ. Par conséquent, la culture fortement touchée par un important virus risque beaucoup de ne pas donner une bonne semence. Des normes de certification ont été établies à cet égard.

Plusieurs maladies virales sont transmises presque exclusivement par les pucerons, ces petits insectes qui percent le tissu des feuilles ou des tiges pour sucer la sève. Toutefois, la situation géographique et le climat du Canada atlantique contribuent heureusement à limiter les populations de pucerons. Un des principaux vecteurs des phytovirus est le puceron vert du pêcher Myzus persicae, mais il ne passe généralement pas I'hiver dans la région. Il arrive que des pucerons s'échappent de serres et d'entrepôts, cependant une nouvelle population de Myzus persicae doit immigrer dans la région chaque année. Les plants de pomme de terre sont plus résistants aux nouvelles infections virales à mesure qu'ils prennent de la maturité. Ainsi, la qualité des semences cultivées dans notre région dépend en général de la rareté relative des pucerons et de I'arrivée tardive de M. persicae.

Il arrive certaines années que les pucerons soient plus nombreux ou arrivent plus tôt en saison, et ils peuvent alors causer un problème. On présente ci-après une brève description des différents virus et des mesures de lutte utilisées.

MESURES GÉNÉRALES DE PRÉVENTION

Certaines mesures s'appliquent à plusieurs virus et sont essentielles à la production de semences de qualité.

IL faut employer des semences de la catégorie qui correspond à I'usage voulu, et il est bon de vérifier les résultats d'analyses effectuées après la récolte (tests de laboratoire ou test de Floride). Toutes les plantations de pommes de terre de semence des classes Pré-Élite, Élite I et Élite II doivent se faire par tubercules individualisés. Les tubercules individualisés facilitent beaucoup I'épuration. La plantation de petites semences entières est moins efficace pour I'épuration, mais elle permet de réduire la propagation d'un certain nombre de maladies virales, bactériennes et fongiques.

Dans la mesure du possible, on choisit un champ isolé et balayé parle vent, où les pucerons ont de la difficulté à se poser et à se déplacer en vol sur de courtes distances.

IL faut détruire les mauvaises herbes et les plants spontanés de pommes de terre à I'intérieur et en périphérie du champ. Il peut se former de grandes populations de pucerons sur certaines mauvaises herbes comme la capselle bourse-à-pasteur, la moutarde sauvage et le radis sauvage. On cherche à accélérer la maturation le plus possible, surtout pour les variétés à saison prolongée comme la Russet Burbank. Favoriser le développement de petits germes verts (les gros germes se brisent), planter tôt en saison et utiliser moins d'engrais qu'il n'est recommadé pour les pommes de terre de transformation ou de consommation. Une réduction de la teneur en azote peut notamment accélérer la maturation et améliorer la résistance aux virus en fin de saison, un moyen de lutte important contre le virus de I'enroulement de la pomme de terre (VEP). En outre, il est plus facile de défaner les plants parvenus à maturité.

On doit épurer tôt en saison et répéter I'opération plusieurs fois. En général, les symptômes du virus Y de la pomme de terre (VYP) apparaissent plus tôt que ceux du virus A de la pomme de terre (VAP) ou du VEP. Les travaux doivent être terminés lorsqu'il est encore possible de circuler dans les rangs sans toucher aux plants.

Aucun virus de la pomme de terre ne peut survivre à I'hiver sur une plante indigène dans la région de I'Atlantique. Toutefois, les virus peuvent survivre dans les tubercules enfouis sous la ligne de gel de la saison en cours et peuvent produire des plants spontanés I'année suivante. Il faut détruire ces tubercules, et la rotation culturale s'impose lorsqu'ils constituent un problème. L'élimination de ces tubercules doit être complète, puisque de nouvelles tiges remplacent rapidement celles qui ont seulement été coupées. Les jeunes plants spontanés offrent souvent une forte résistance aux herbicides.

Réduire au minimum le contact des machines avec les feuilles, car le virus X de la pomme de terre et le virus de la filosité des tubercules sont facilement propagés par les machines.

Le recours à ces mesures est parfois une question de discernement, et le producteur doit évaluer le rapport coûts avantages. Cet aspect est traité dans les descriptions suivantes pour les différents virus.

VIRUS DE LA MOSAIQUE (VYP, VAP)

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Le virus Y de la pomme de terre (VYP) provoque les symptômes de la mosaÏque sur les variétés sensibles ainsi que la chute des feuilles du bas. Le virus A de la pomme de terre (VAP) est moins répandu et provoque une mosaÏque moins grave et non accompagnée de la chute de feuilles. Les variétés résistantes sont rarement touchées par le VYP dans les champs de notre région; celles qui sont atteintes sont une réaction nécrotique et produisent seulement quelques petits tubercules. Le virus s'élimine presque de lui-même. Les variétés résistantes au VYP et plusieurs autres variétés sensibles sont pour ainsi dire immunisées contre le VAP.

Les virus de la mosaïque ne sont pas persistants, car les pucerons qui les propagent peuvent seulement les retenir pendant une brève période. Les virus sont principalement transportés sur le bout du stylet et la distance est rarement considérable, mais il arrive que des pucerons puissent transporter le VYP sur une distance d'au moins 400 m. La propagation est surtout faite par des pucerons ailés récemment arrivés dans les champs de pommes de terre et ne proviennent pas nécessairement d'autres pommes de terre, puisque de nombreux pucerons se développent sur les mauvaises herbes. Très peu de ces pucerons sont porteurs de virus, mais ils peuvent les recueillir sur les plants malades qui se trouvent dans le champ et les communiquer directement aux plants sains lorsqu'ils piquent divers plants avec leur stylet afin de trouver un endroit convenable pour se nourrir. Les sources d'infection se trouvent principalement à I'intérieur du champ ou dans les champs avoisinants, et elles se situent occasionnellement dans les plants spontanés de tubercules qui ont résisté à hiver. Aucun de ces virus n'hiverne sur les plantes vivaces de la région.

Depuis que l'on a instauré l'inspection des semences au début des années 1920 et que l'on tient des registres pour les essais et les travaux d'inspection menés au Nouveau- Brunswick, on a pu constater que la propagation des VYP est cyclique et qu'elle atteint son niveau maximal à tous les 9 a 10 ans. (Les relevés des autres provinces ne sont pas aussi complets, mais le cycle est apparent dans ceux de l'Île-du- Prince-Edouard.) Les dernières années de grande propagation étaient 1968, 1978 et 1987, mais elles ne sont pas toujours précédées ou suivies par une grande propagation. On a constaté une alternance des années de grande et de faible propagation durant le cycle de 9 à 10 ans, dont une séquence occasionnelle de deux ans où la propagation est faible. Durant les années où la propagation est grande ou relativement forte, le début de la manifestation se situe aux alentours du 1er juillet, mais il se situe deux à trois semaines plus tard durant les années de faible propagation, et les manifestations sont moins importantes et plus brèves. On n'a pas relevé de grandes propagations de VYP après la première semaine d'août, car les plants plus matures ont développé une résistance au virus. Une propagation relativement grande ne s'est produite que dans neuf des vingt dernières années, et jamais deux années successives.

Lutte

  1. Aphicides. Ils sont peu efficaces. On a dépensé beaucoup d'argent en pensant à tort qu'il suffisait de tuer les pucerons dans le champ pour prévenir la propagation des virus de la mosaïque, Les aphicides ne servent normalement qu'à empêcher un accroissement trop considérable de la population de pucerons. La plupart des pucerons capturés au piège dans les champs de pommes de terre ne s'installent pas sur les plants mais ne font que se poser et explorer le terrain en quête d'une plante hôte qui leur convienne. Certains de ces pucerons transmettent des virus non persistants dans d'autres cultures et les virus de la mosaïque dans les cultures de pommes de terre. Les insecticides n'ont pas une action assez rapide pour prévenir ce genre de propagation, Toutefois, dans une des fermes gouvernementales utilisées pour la production de semences, on applique des insecticides en juillet sur le ray-grass annuel planté en périphérie de chaque champ et sur la chaussée des routes. Un certain nombre de pucerons sont éliminés avant d'atteindre les pommes de terre, On ne connaît pas encore tous les effets de cette mesure, mais le test de Floride donne d'excellent résultats pour cette ferme.
  2. Épuration. Cette mesure doit être appliquée le plus tôt possible pour obtenir de bons résultats contre le VYP.
  3. Défanant. La mosaïque a déjà atteint les tubercules lorsque le défanage devient possible.
  4. Pulvérisation d'huile. La pulvérisation d'huile est un bon moyen de lutter contre le VYP sur les variétés vulnérables. Toutefois, ces produits ne sont pas enregistrés au Canada pour un usage sur les pommes de terre.
  5. Consulter les mesures générales.

VIRUS DE L 'ENROULEMENT DE LA POMME DE TERRE (VEP)

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Le VEP provoque la perte de chlorophylle, I'enroulement des feuilles (qui prennent un aspect caoutchouteux) et, fréquemment, un grave rabougrissement du plant. Le virus peut causer une importante baisse de rendement, Contrairement aux virus de la mosaïque, le VEP est transmis par un puceron qui I'absorbe et le régurgite ensuite par la salive dans un plant sain qu'il visite pour se nourrir. Le processus est plus long, mais les pucerons restent infectieux pour la vie. Le puceron vert du pêcher M. persicae est de loin le porteur de VEP le plus efficace.

Il existe deux sources d'infection :

  1. Les plants malades d'autres champs de pommes de terre pouvant se trouver des centaines de milles plus au sud, car les pucerons peuvent transporter le VEP sur de longues distances lorsque le vent est favorable.
  2. Les plants malades qui se trouvent à I'intérieur du champ. Les pucerons qui ne sont pas porteurs du virus peuvent le contracter en se nourrissant, ou ils se reproduisent sur des plants malades et les petits pucerons acquierrent normalement le virus lorsqu'ils se nourrissent et se développent. Ils peuvent ensuite se déplacer et infecter d'autres plants.
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Les zones de production de pommes de terre de semence au Nouveau-Brunswick et au Maine sont périodiquement touchées par une épidémie de VEP. Cette dernière dure quelques années et atteint généralement son sommet pendant un été particulièrement chaud et sec. L'épidémie disparaît juste au moment où la situation semble hors de contrôle, comme ce fut récemment le cas après les épidémies de 1971- 1975 et de 1985-1988. La disparition de chacune de ces épidémies est survenue à la suite d'un ou de deux hivers rigoureux qui ont contribué à réduire les populations de Myzus persicae. Les épidémies qui ont précédé celle de 1971-1975 ont eu lieu à de plus longs intervalles (1906-1912 et 1937- 1945), mais le VEP constitue un problème beaucoup plus grave par temps chaud, et il a joui d'un climat qui lui était particulièrement favorable durant les années 1980. Il est probable que les épidémies de VEP dans la région continueront d'être plus rapprochées si le réchauffement du climat se poursuit.

La nécrose réticulée est très ennuyante pour le consommateur, et elle se produit durant la première année d'infection par le VEP. Elle était fréquemment observée durant les épidémies de VEP des années 1940 et 1970 dans les variétés Green Mountain et Russet Burbank, mais elle était plus rare ces dernières années. On peut confondre la nécrose réticulée avec plusieurs autres problèmes. Dans le doute, consulter un inspecteur des pommes de terre de semence ou un spécialiste de la pomme de terre.


Lutte

  1. Aphicides. Lorsque l'enroulement se manifeste souvent dans la région, on peut enrayer le développement précoce des pucerons dans le champ avec l'application d'un insecticide systémique au moment de la plantation. Comme l'insecticide systémique est moins efficace contre les pucerons provenant d'autres champs de pommes de terre plus tard durant la saison, il peut s'avérer préférable d'appliquer un aphicide vers la fin de juillet ou au début d'août lorsque le puceron vert du pêcher (voir ci-après) est en train d'envahir les champs de pommes de terre de la région et s'il est trop tôt pour le défanage. Consulter l'entomologiste provincial ou un spécialiste de la pomme de terre à cet égard.
  2. Défanage. Il est établi que divers pucerons peuvent transmettre les virus de la mosaïque, mais le virus de l'enroulement de la pomme de terre est principalement transmis par le puceron vert du pêcher (Myzus persicae, Sulz.). On peut considérer que la menace est sérieuse lorsqu'un grand nombre de M. persicae ailés font leur apparition en août, avant que la culture soit parvenue à maturité. On recommande généralement de défaner dans les dix jours après l'arrivée d'un nombre important de pucerons, soit à peu près le temps qu'il faut au virus pour atteindre les tubercules après l'infection d'une feuille. Consultez à cet effet le service provincial de dépistage des pucerons, le spécialiste de la pomme de terre ou l'inspecteur des pommes de terre de semence de votre localité. Le défanage doit être complet, car un défanage partiel et le développement de nouvelles pousses peuvent revivifier le plant et attirer les pucerons. Le résultat peut alors être pire que s'il n'y avait pas eu de défanage.
  3. Voir les mesures générales.

VIRUS LATENTS (VSP, VXP)

Il y a quelques années, presque toutes les pommes de terre de semence étaient infectées par le VSP et le VXP. Les symptômes de ces virus sur les plants sont inexistants ou presque, mais on observe une certaine baisse de rendement. Les semences utilisées de nos jours proviennent de semences de base exemptes de virus, y compris de virus latents. La meilleure façon de déterminer la présence des deux virus précités est de faire une analyse en laboratoire d'échantillons de feuilles et de germes au moyen du test immuno-enzymatique Elisa.

Le VSP peut être transmis par contact, mais on a découvert qu'il est transmis par les pucerons dans la région, à peu près de la même manière que les virus de la mosaïque. Dans les régions ou les virus de la mosaïque sont plus nombreux, on constate une réinfection des variétés sensibles au VSP (dont un grand nombre sont également sensibles au VYP). Quelques variétés résistent moyennement au VSP, mais la Jemseg est la seule variété qui présente une forte résistance.

Il semble que le VXP soit seulement transmis par contact mécanique. La sève est transférée d'un tubercule ou d'un plant à un autre par la manipulation, les couteaux de la trancheuse ou les machines. Avec une semence exempte de VXP, le producteur consciencieux peut éviter toute contamination de sa culture par le virus.

FILOSITÉ DES TUBERCULES

Le viroïde de la filosité des tubercules est transmis par les machines. Il ne se manifeste pas très fréquemment, mais il a déjà causé des dégâts dans les régions productrices de semences. La filosité a virtuellement été éliminée des pommes de terre de la région ces dernières années, car on a utilisé des plants sains provenant de fermes provinciales de pommes de terre de semence. Les plants infectés sont dressés, et les tubercules s'allongent et présentent quelquefois des fissures. Les normes de certification n'accordent aucune marge de tolérance pour la filosité des tubercules.

POURPRE OU JAUNE DES FEUILLES

Cette maladie est causée par un mycoplasme et transmise par les cicadelles provenant de plants indigènes infectés. (La maladie est mieux connue sous le nom de jaunisse de I'aster.) Les symptômes sont une décoloration jaunâtre ou violacée des feuilles supérieures (selon la pigmentation de la variété), suivie de I'enroulement et, plus tard, du flétrissement. Le mycoplasme n'est pas transmis par les pommes de terre de semence.

Il existe un certain nombre de maladies virales, bactériennes et fongiques dans différentes parties du monde qu'il n'est pas souhaitable d'introduire dans notre région. Les producteurs de pommes de terre de semence comptent beaucoup sur les phytopathologistes, les entomologistes, le service d'inspection et les inspecteurs des douanes pour préserver leurs cultures de ces maladies. Elles pourraient être introduites dans la région à I'intérieur ou à I'extérieur de tubercules importés, indigènes et sauvages (notamment I'espèce connue sous le nom de "fingerlings"), par un grand nombre d'espèces végétales vivantes, et par le sol. Ces matières peuvent aussi être porteuses d'insectes destructeurs. Ainsi, les personnes qui les importent sans se conformer aux règlements phytosanitaires font courir de grands risques aux Canadiens.