Gouvernement du Nouveau-Brunswick

Introduction

L'érosion du sol par l'eau est répandue dans la zone de production des pommes de terre du Nouveau-Brunswick, et ce phénomène est une des plus grandes causes de dégradation de la qualité du sol au Canada. Les pertes varient selon l'érodabilité du sol, les précipitations, la topographie et les pratiques agronomiques. On a enregistré des taux d'érosion de 24,3 t ha-1 dans les pommes de terre cultivées sur une pente de 11 %, et une érosion aussi faible que 1,2 t ha-1 dans les pommes de terre cultivées le long de la courbe de niveau. La culture en courbes de niveau appuie les méthodes de conservation actuelles et justifie l'utilisation de terrasses et de voies d'eau gazonnées au Nouveau-Brunswick.

La couche de terre perdue est la plus productive. La perte du sol de surface entraîne l'incorporation de sol plus profond et moins productif dans la couche cultivée. Le sol érodé a une moins bonne structure, une capacité inférieure de rétention de l'eau et des éléments nutritifs, et une aptitude réduite pour supporter la croissance des plantes. Les sols érodés sont également plus difficiles à cultiver, et ils donnent des rendements plus bas et de qualité inférieure. À court terme, la baisse des rendements sur les terres érodées peut être compensée par de plus grandes applications d'engrais. Toutefois, en plus d'accroître les coûts de production, l'utilisation excessive d'engrais augmente le risque de contamination de l'eau souterraine, et l'érosion des sols très fertilisés menace la qualité de l'eau de surface.

Les producteurs de pommes de terre ont besoin de méthodes agronomiques qui permettent de diminuer l'érosion et de rendre leur entreprise viable. La culture d'une plante de couverture après la récolte est une mesure peu répandue dans la plus grande partie de la zone de production, car il est difficile d'établir une culture dans les champs récoltés après le 15 septembre. Cette mesure ne s'applique qu'aux champs consacrés aux pommes de terre hâtives. À l'Île-du-Prince-Édouard, le paillage à base de foin ou de paille dans les champs de pommes de terre après la récolte a permis de réduire le taux d'érosion.

En 1995, un projet a été réalisé conjointement par le ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick du Nouveau-Brunswick et Agriculture et Agroalimentaire Canada pour vérifier les effets d'un paillage à base de foin sur l'érosion du sol dans la zone de production des pommes de terre du Nouveau-Brunswick. On a comparé les taux de ruissellement et d'érosion dans sept parcelles (10 m sur 30 m) de type Wischmeier qui sont soumises à une érosion permanente dans une zone du comté de Drummond, à 5 km à l'est de Grand-Sault. Diverses applications de paillis ont été évaluées sur deux pentes entre la récolte de 1995 et celle de 1996. Les taux d'application de paillis sur la pente de 11 % étaient de 0, 2,5, 4,5 et 9 t ha-1, et la pente de 8 % a reçu des applications correspondant à 0, 2,25 et 4,5 t ha-1.

Résultats et discussion

Sur la pente de 11 %, le ruissellement diminuait lorsqu'on augmentait le taux d'application. On n'a toutefois pas enregistré le même résultat sur la pente de 8 % pour le ruissellement hivernal (Fig.1a,b). Le paillis fait fonction de couche protectrice qui réduit l'impact des gouttes de pluie sur le sol et qui ralentit le ruissellement en surface. Ce ralentissement accorde plus de temps à l'eau pour s'infiltrer dans le sol, et il réduit par le fait même le volume d'eau de ruissellement. Les applications de paillis de foin ont réduit sensiblement la perte de sol. Des applications aussi faibles que 2,25 t ha-1 ont diminué la perte cumulative de sol de 70 à 80 % sur les pentes de 8 % et de 11 % respectivement (Fig. 2a,b).

Les résultats semblent indiquer qu'il n'aurait pas été très avantageux d'appliquer plus de 2,25 t ha-1 pour combattre l'érosion à cet endroit en 1996. À l'Île-du-Prince-Édouard, on recommande actuellement d'appliquer 4,5 t ha-1 de foin humide pour obtenir une couverture de résidus d'environ 65 %. Il faut toutefois y réfléchir avant de réduire le taux d'application recommandé, car les résultats sont fondés sur des données recueillies pendant une année seulement. Entre l'automne 1995 et la récolte de 1996, la perte de sol totale dans la parcelle témoin non traitée n'était que de 9,87 t ha-1 sur la pente de 11 %. Il n'est pas inhabituel d'enregistrer des taux d'érosion aussi élevés que 38 t ha-1 dans cette région et, dans ces conditions, une application supérieure à 2,25 t ha-1 peut être nécessaire pour maintenir la perte de sol à un niveau acceptable de 6 t ha-1.

Un des principaux facteurs de la baisse de productivité causée par l'érosion est la perte de l'eau disponible dans le sol pour l'alimentation des plantes. La «capacité en eau disponible» est la quantité d'eau du sol qui se situe entre la capacité au champ et le point de flétrissement permanent, et il s'agit de l'eau que les plantes peuvent utiliser. Le maintien de l'humidité du sol contribue beaucoup au rendement et à la qualité des pommes de terre. Sauf pour la position supérieure concernant la pente de 11 %, le paillis de foin incorporé dans le sol a généralement permis de maintenir de meilleurs taux d'humidité que ceux enregistrés dans la parcelle témoin nue durant la période de croissance (Fig. 3 et 4), car il a favorisé une plus grande infiltration et diminué le ruissellement.

Sur la pente de 11 %, le sol de la parcelle témoin était généralement plus chaud que celui des parcelles traitées entre le 14 juillet et la récolte. Toutefois, il n'y avait pas d'écart manifeste dans la température du sol entre les traitements appliqués sur la pente de 8 % (données non présentées). L'écart entre les deux inclinaisons est probablement attribuable à l'aspect différent de la pente. Celle de 8 % est exposée au sud (197° E de N) et est ensoleillée à compter du petit matin, tandis que la pente de 11 % est exposée au sud-ouest (217° E de N) et est ensoleillée plus tard dans la journée. Les données sur la température du sol n'ont pas été recueillies pour le tout début de la période de croissance en 1996, mais elles devraient l'être au cours des prochaines études.

Tableau 2. Effet du taux d'application de paillis sur le rendement des pommes de terre.


Parcelle Taux d'application(t ha-1) Rendement (quintaux)*
    Total Commercialisable
Pente de 11 %
1
2
3
4
9.0
0.0
2.25
4.5
161.9 a
202.2 b
205.8 b
201.1 b
131.0 a
174.4 b
175.2 b
172.2 b
Pente de 8%
5
6
7
4.5
2.25
0.0
229.3 a
217.2 a
206.1 a
193.0 a
186.2 a
182.4 a

* L'écart entre les traitements a été analysé au moyen de la plus petite différence significative de Fisher pour chaque pente. Ainsi, pour chaque pente, les rendements suivis de la même lettre dans chaque colonne n'ont pas de différence significative (P<0,05).

Il n'y avait pas d'écart important pour ce qui est du rendement total ou commercialisable entre les applications de 0, 2,25 et 4,5 t ha-1 sur les deux pentes (Tableau 2). Toutefois, l'application de 9 t ha-1 a diminué le rendement beaucoup plus que tous les autres traitements sur la pente de 11 %. On ne peut conclure avec certitude que la baisse de rendement observée avec l'application de 9 t ha-1 était attribuable au grand taux d'application de paillis, car la parcelle soumise à cette application était également ombragée par un boisé adjacent, ce qui peut avoir contribué à la baisse du rendement. Comme les taux de paillage jusqu'à concurrence de 4,5 t ha-1 n'ont pas beaucoup modifié le rendement, on peut conclure que l'application de paillis jusqu'à ce niveau ne présente aucun risque pour le rendement. Dans cette étude, le rendement commercialisable était beaucoup moins élevé sur la pente de 11 % que sur celle de 8 %.

Conclusions

L'application de paillis de foin après la récolte des pommes de terre est un bon moyen de conservation pour atténuer l'érosion du sol. Afin d'établir le taux d'application de paillis le plus bénéfique, il faut recueillir des données sur l'érosion dans diverses conditions climatiques pendant plus d'un an. Une application de 2,25 t ha-1 a permis de diminuer raisonnablement la perte de sol sur une pente moyenne ( <9 %) touchée par des précipitations relativement faibles. Dans le cas de pentes abruptes et longues qui doivent subir de gros orages, il peut s'avérer nécessaire d'augmenter les taux d'application pour bien combattre l'érosion. Le paillis de foin contribue aussi généralement à réduire la température du sol et à augmenter son taux d'humidité, mais il faudra recueillir d'autres données pour bien établir le rapport qui existe entre le taux d'application de paillis et ces deux propriétés du sol.

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Fig.1a. Volumes d'eau de ruissellement entre la récolte de 1995 et la récolte de 1996 sur la pente de 8 %.

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Fig.1b. Volumes d'eau de ruissellement entre la récolte 1995 et la récolte de 1996 sur la pente de 11 %.

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Fig. 2a. Taux d'érosion cumulatifs entre la récolte de 1995 et la récolte de 1996 sur la pente de 8 %.

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Fig. 2b. Taux d'érosion cumulatifs entre la récolte de 1995 et la récolte de 1996 sur la pente de 11 %.

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Fig. 3a. Humidité du sol à la position supérieure des traitements sur la pente de 8 %.

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Fig. 3b. Humidité du sol à la position inférieure des traitements sur la pente de 8 %.

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Fig. 4a. Humidité du sol à la position supérieure des traitements sur la pente de 11 %.

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Fig. 4b. Soil moisture at the lower slope position of the 11 % slope treatments