Gouvernement du Nouveau-Brunswick

B.1.0


 

DÉFINITION

Lorsque nous parlons de la pollinisation du bleuet nain, il y a deux termes souvent utilisés que l'on doit comprendre. Ce sont les termes pollinisation et mise à fruit.

Pollinisation:

C'est le transfert du pollen des étamines (la partie mâle) jusqu'au stigmate d'une fleur de la même espèce per-mettant la fécondation (Figure 1).

Mise à fruit:

Ce terme veut dire la proportion de fleurs qui donne un fruit. Pour décrire le % de mise à fruit, on emploi gén-éralement le terme % de pollinisation.

 

 

LA FLEUR

Pour bien comprendre le processus qui nous permet d'obtenir un fruit à partir d'une fleur, il faut visualiser et connaître ce qui compose la fleur (Figure 1).

Les parties de la fleur sont :

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  1. La corolle: C'est en quelque sorte le manteau de la fleur. Ce sont les pétales, qui soudées entre elles, forment un genre de cloche qui protège les parties intérieures de la fleur.

  2. Les étamines: Ce sont les parties mâles de la fleur. Les étamines sont formées d'un filament et d'un anthère.

  3. L'anthère: C'est la partie qui produira le pollen. Le pollen, une substance poudreuse, est responsable de fertiliser les ovules. Les ovules sont de minuscules oeufs qui se développent en graines.

  4. Le pistil: C'est la partie femelle de la fleur, com-prenant l'ovaire et le style.

  5. L'ovaire: C'est le renflement à la base de la fleur. Cette partie est verte et renferme une multitude d'ovules, qui une fois fertilisées, produiront des graines.

  6. Le style: C'est un tube qui est relié à l'ovaire. Ce tube est vide au centre. C'est la voie d'accès du pollen en germination vers les ovules.

  7. Le stigmate: C'est l'extrémité du style. C'est la partie responsable de recevoir le pollen pendant sa période de réceptivité. Il secrète un composé collant qui permet au grain de pollen d'y rester attaché.

     

 

LA FLORAISON

Le début de la floraison varie d'un clone à l'autre. À l'intérieur d'un même clone, elle débutera en même temps sur toutes les tiges. Les fleurs des bourgeons floraux les plus bas sur la tige ouvriront les premières suivies en succession des autres, jusqu'au dernier bourgeon. En moyenne, on peut avoir de 5 à 6 bourgeons par tige et chaque bourgeon peut contenir au moins 5 fleurs.

Cette succession d'apparition des fleurs entre clone, ou à l'intérieur d'un même clone, donne une période de floraison d'environ trois semaines et permet ainsi de limiter les dégâts dûs à des variations climatiques peu favorables. La receptivité d'une fleur à être pollinisée est d'environ 5 à 8 jours quoique cette période peut être écourtée si la température est belle. Ce court laps de temps nous oblige à nous assurer que les insectes pollinisateurs sont en nombre assez grand pour assurer un maximum de transfert de grains de pollen.

 

 

LE PROCESSUS DE POLLINISATION

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Lors de la floraison, le processus de pollinisation débute par le transfert du pollen. Par l'entremise des insectes, le pollen qui est produit par les anthère (partie mâles) est transféré par accident lors de la visite de d'autres fleurs sur le stigmate qui se situe au bout du style. Le ou les grain(s) de pollen va (vont) alors germer et former un tube pollinique (Figure 2) qui descendra jusqu'à un ovule qu'il fertilisera. Cet ovule donnera une graine. Étant donné que pour donner un fruit de qualité il faut plusieurs graines bien fécondées, ce processus devra se répéter plusieurs fois.

 

LE DEGRÉ DE POLLINISATION

Selon Aalders (1958), chaque fruit devrait contenir de 6 à 10 graines viables. Moins que 6 donnent des fruits très petits qui sont sujet à tomber prématurément. Chaque graine additionnelle serait responsable d'une augmentation de 5% du poids et avancerait la maturité d'une demi-journée.

Le développement du fruit se fait donc en fonction du nombre de graines viables à l'intérieur de celui-ci. Les graines produisent des hormones qui servent en quelque sortes d'aimants qui attirent la nourriture et développent le fruit. Plus il y aura de graines viables, plus le fruit sera gros et lors de conditions de stress (chaleur, manque d'eau), les fruits les mieux pollinisés auront préférence sur les autres. Dans de mauvaises conditions de croissance, les fruits avec peu de graines viables resteront petits, avorteront ou tomberont. Toute gestion permettant l'augmentation de graines viables par fruit aura une incidence sur le rendement. En général, un petit bleuet contient moins de 8 graines viables, un bleuet moyen en a de 10 à 15, tandis qu'un gros en a de 16 à 18.

 

 

FACTEURS GÉNÉTIQUES AFFECTAN LA POLLINISATION DU BLEUET NAIN

  • L'auto-incompatibilité:
    Les plants de bleuet issus d'un même clone ne peuvent normalement pas se polliniser entre eux. Il faut que le pollen venant d'un clone différent de la même espèce soit transféré pour que la fécondation ait lieu. Une très faible minorité de clones peuvent s'auto-polliniser.
  • Stérilité:
    o Des recherches ont démontré que 5% des plants sont mâles stériles, c'est-à-dire qu'ils ne possèdent pas d'étamines donc ne peuvent participer à l'effort de pollinisation.
  • Capacité de produire du pollen:
    Près de 45% des plants produisent peu ou pas de pollen limitant ainsi la quantité de pollen pour la pollinisation.
  • Incompatibilité entre espèces:
    À l'état naturel, on a vu qu'il existe 5 espèces différentes de bleuet (Feuillet # A.2.0). Parmi ces espèces, les plus communes sont Vaccinium angustifolium, Vaccinium myrtilloïdes. Si du pollen de V. myrtilloïdes féconde un ovule de V. angustofolium, il y aura un avortement en dedans de 12 jours. Lorsque les deux espèces sont présentes, il en résulte des bleuets plus petits avec peu de graines viables.

Comme on peut le constater, les facteurs génétiques sont importants et une bonne compréhension de ceux-ci peut permettre une meilleure gestion de la pollinisation dans son ensemble.

 

AUTRES FACTEURS AFFECTANT LA POLLINISATION

La température:

La température peut affecter la pollinisation de plusieurs façons:

  1. Si la température est très chaude, la période de réceptivité qui est normalement de 5 à 8 jours sera raccourcie, donc la quantité de pollen transférée devra se faire dans un délai plus court.
  2. Si la température est froide, les insectes pollinisateurs ne travaillent pas ou très peu et le développement du tube pollinique est très lent, on risque d'avoir un taux de pollinisation faible.
  3. Si la température est humide avec beaucoup de pluie, le travail des insectes est arrêté et on risque aussi que les grains de pollen soient enlevés du stigmate ou qu'ils éclatent dû à une grosse imbibition.
  4. Le vent affecte la pollinisation en ralentissant l'activité des abeilles. Dû à la forme de la fleur et à son auto-incompatibilité, le vent ne peut être responsable de la pollinisation comme c'est le cas chez d'autres plantes.
  5. Le gel lors de la floraison peut détruire à la fois le style et l'ovaire empêchant le transfert du pollen. On blâme souvent le gel lorsque l'on a une mauvaise récolte, mais souvent l'inactivité des abeilles ou autres pollinisateurs en est la cause. Lorsqu'il y a réellement un gel, le pistil, c'est-à-dire le style et l'ovaire, tourneront noir en dedans de quelques heures.

La vigueur des plants:

Des plants peu vigoureux dûs à des caractéristiques génétiques ou à un manque de fertilité sont plus susceptibles d'être mal pollinisés.

La distribution des clones:

Lorsque des clones couvrent de grandes superficies, il est plus difficile d'obtenir un transfert de pollen étranger uniforme de la bordure de ceux-ci vers le centre. La transplantation de clones à l'intérieur de ceux-ci peut aider à minimiser ce facteur.

La population d'insectes pollinisatrices:

La pollinisation ne peut se faire que par l'entremise des insectes. Leur nombre aura donc un impact important sur le taux de pollinisation. C'est encore plus vrai lorsque nous sommes en situation de grandes superficies. Les insectes indigènes sont davantage présents en bordure des champs qu'au centre. L'apport des insectes indigènes ne peut normalement pas assurer un bon degré de pollinisation sauf dans des petits champs isolés. En général, selon nos observations, un pourcentage de pollinisation variant de 10 à 20% est le maximum que l'on obtient de la part des insectes indigènes dépendant des superficies et des conditions climatiques présentes pendant la floraison. Pour de bons résultats, un apport de pollinisateurs est essentiel.

 

 

LA FORCE POLLINISATRICE

La pollinisation du bleuet est l'étape la plus importante dans la production de ce fruit. Si on regarde tous les facteurs pouvant la limiter, on s'aperçoit que plus le taux de transfert de pollen est important, plus on a des chances qu'un nombre suffisant de grains de pollen compatibles soit présents sur le stigmate du style pour assurer une bonne fertilisation des ovules.

Le feuillet d'information B.2.0 vous renseigne sur le % de mise à fruits dans les cultures de bleuet sauvage. Il est utopique de croire que l'on peut obtenir des % de pollinisation de l'ordre de 75 à 100%. Trop de facteurs d'ordre génétique et environnemental entrent en jeu. Des taux de 40-50% sont considérés très bons, tandis que de 50 à 60%, c'est excellent. Si le taux est inférieur à 30%, c'est une indication que la force pollinisatrice est trop faible.

Comme on le sait, le vent n'est d'aucune aide car le grain de pollen est trop lourd et trop collant. Il ne nous reste que les insectes pour polliniser la récolte, à moins qu'un jour l'on puisse trouver un moyen mécanique pour assurer le transfert du pollen d'un clone à l'autre.

Les alliés sur lesquels nous pouvons compter sont divisés en quatre groupes:

  1. Les bourdons. Ces insectes sont de très bons pollinisateurs du bleuet. De plus, leur méthode de travail fait qu'ils ne butinent que quelques fleurs avant de se déplacer d'un clone à l'autre. Malheu-reusement, leur nombre est bas et le coût relié à l'achat de ruches est trop élevé.
  2. Les abeilles solitaires. Ce groupe représente une grande variété d'abeilles qui sont présentes dans tous les champs. Leur nombre varie grandement d'une année à l'autre. On soupçonne qu'elles sont présentes en plus grand nombre dans les petits champs. Ceci serait dû au fait que l'environnement de ces champs favorise leur survie. Il y a au-delà de 50 espèces d'abeilles solitaires la plupart étant des Andrenidae et des Halictidae. Jusqu'à présent, les recherches n'ont pas démontré précisément l'apport de ces insectes à la pollinisation du bleuet.
  3. Les abeilles domestiques. Les abeilles domestiques sont de bonnes pollinisatrices des bleuets. Une recherche récente (D. de Oliveira 1994) a démontré que dans une grande bleuetière, une variation de la concentration d'abeilles par unité de surface engendre une variation proportionnelle des rendements. Ainsi, plus le nombre d'abeilles est élevé, plus le rendement le sera aussi. Si le nombre diminue, le rendement fera de même. Étant donné que la fleur de bleuet n'est pas une bonne source de nectar, ces abeilles performent mieux dans des conditions où il n'y a pas ou très peu de sources alternatives de nourriture. Pour obtenir de bons résultats, il faut que les ruches soient très fortes. Il a été démontré qu'une ruche forte équivaut à au moins quatre ruches faibles (D. de Oliveira 1994). La création de micro-climat par la mise en place de brise-vent augmente leur efficacité. Une moyenne de 2.5 ruches/ha est à conseiller. Une bonne gestion des ruches est essentielle. Pour plus d'informations, veuillez consulter le feuillet B.3.0.
  4. Les mégachiles. Aussi appelées les découpeuses de feuilles de luzerne. L'utilisation de cet insecte est très récente. Des recherches entreprises au début des années 1990 a permis de déterminer leur efficacité. Avec un nombre suffisant, on obtient des taux de pollinisation intéressants. De par sa nature, cet insecte ne recherche principalement que du pollen. La faible production de nectar des plants de bleuet ne les affecte pas. Faisant partie de la classe des insectes solitaires, leur aire d'action est limité à environ 100 mètres des ruches. Une fois dans les bleuetières, elles ne recherchent pas d'autres sources de pollen. Pour plus d'information, veuillez consulter le feuillet B.7.0.
 

CONCLUSION

De par leurs caractéristiques, les fleurs de bleuet ont besoin de pollinisation croisée. Le % de pollinisation désiré ne pourra être obtenu sans l'apport de pollinisateurs importés. Leur nombre est très important pour contrer tous les facteurs génétiques ou climatiques qui peuvent avoir un effet sur la pollinisation. Une bonne force pollinisatrice permettra d'atteindre un taux acceptable de pollinisation dans un court laps de temps.

Pour y arriver, l'on doit porter une attention toute particulière à tout type de gestion favorisant l'efficacité des pollinisateurs et/ou l'augmentation de leur nombre. (Ex.: brise-vent, utilisation rationnelle des pesticides).

Références:

Aras, P. D. de Oliveira, D, and L. Savoie. 1995. Effect of a Honey Bee (Hymenoptera: Apidae) Gradient on the Pollination and Yield of Lowbush Blueberry. Université du Québec à Montreal.

Eck, P. and N.F. Childers. 1966. Blueberry Culture. Rutgers University Press. 378 pp.

Ismail, A.A. Honey Bees and Blueberry Pollination. Bulletin 629, Cooperative Extension Services, University of Maine.

Karmo, E. A. 1974. Blueberry Pollination - Problems, Possibilities. Bulletin No. 109. N. S. Dept. Of Agriculture.

Vickery, V.R. 1991. The Honey Bee: A Guide for Beekeepers. Particle Press, Pincourt, Québec, 250pp.

Rédigé par: Gaétan Chiasson, agr., Spécialiste en horticulture, et John Argall, agr., Spécialiste de la culture du bleuet, Ministère de l'Agriculture et de l'Aménagement Rural Nouveau-Brunswick du N.-B.
Hiver 1996