Gouvernement du Nouveau-Brunswick

Le brick Glide

shipwreck

Quand les gens n'arrivaient pas à identifier avec certitude un navire naufragé, ils avaient instinctivement tendance à choisir l'explication la plus intéressante. En septembre 1885, on a découvert l'épave d'un brick entièrement équipé qui avait fait naufrage sur le brisant au sud-ouest de Yellow Murr Ledge, près de Grand Manan. Aucun membre de l'équipage n'a été retrouvé.

Il a été impossible d'identifier ce navire de couleur noire pendant longtemps. Une rumeur voulait qu'il s'agisse du navire de pirates Gloria, car ce dernier était reconnu pour sa couleur bizarre. Cependant, au cours des années 1960, un archéologue sous-marin a déterminé avec certitude qu'il s'agissait du brick Glide.

Le 1er septembre 1885, le Glide a dû faire face à des intempéries dans la baie de Fundy. En début d'après-midi, des vents du sud-ouest soufflaient en tempête. Puisque le brouillard s'était installé, le capitaine du Glide avait dû se fier entièrement à la navigation à l'estime. Le capitaine Ellis n'a jamais imaginé que son navire pourrait dévier si loin de son parcours, lui qui était parti de Halifax pour se rendre à Windsor. Il ne pensait jamais que la force des vents aurait pu faire dévier son navire tant au nord. Ce fut une grave erreur de navigation.

En raison de l'épais brouillard, le capitaine croyait que le navire avait frappé un récif sur les côtes de la Nouvelle-Écosse. Il ordonna à l'équipage de prendre place dans le canot de sauvetage. Après avoir recueilli les documents du navire, il abandonna le bateau, pensant qu'il atteindrait sous peu la rive de la Nouvelle-Écosse avec les membres de l'équipage. Alors qu'ils croisaient le phare de Gannet Rock, ils ne pouvaient se douter qu'ils se dirigeaient tout droit vers la mort. Une fois au large de la baie, leur petite embarcation a été engloutie et tous les membres de l'équipage périrent. Comme plusieurs autres marins qui ont péri dans ces eaux, ils n'ont jamais été identifiés.

Le navire à vapeur Hestia

Le Hestia progressait tant bien que mal, malgré les vents et la pluie d'une tempête automnale. Le son funèbre du sifflet à vapeur perçait la noirceur. Une heure après le début de son quart de travail, le marin William McCandless aperçut quelque chose à l'horizon malgré la noirceur. Il croyait qu'il s'agissait d'une goélette sans feu. Il se trompait. À 1 h 10, le lundi 25 octobre 1909, le Hestia s'écrasa contre le redoutable Old Proprietor Ledge, au sud-est de Grand Manan.

Quatre heures plus tard, le capitaine prit la décision de faire évacuer le navire. Il ordonna à tous de se diriger vers les deux embarcations de sauvetage. Onze d'entre eux prirent place dans le plus petit canot et commencèrent à l'affaler dans la mer houleuse. Alors que l'embarcation pendait toujours aux palans, une gigantesque vague souleva momentanément le canot de sauvetage. Le palan avant s'est alors décroché, projetant la proue en chute libre et déversant ses occupants à la mer.

Des minutes d'horreur indescriptible suivirent pour les marins demeurés sur le pont, incapables d'aider leurs compagnons. Les rances du canot de sauvetage rebondirent à maintes reprises contre la coque d'acier, et se fracassèrent. Les cris de leurs compagnons, qui pouvaient être entendus malgré le mugissement de la tempête, sont peu à peu devenus inaudibles. Deux membres de l'équipage ont réussi à s'en sortir. Neuf des onze membres ayant pris place dans la première embarcation se noyèrent près du navire.

Le capitaine ordonna alors à tout l'équipage de prendre place dans le plus gros canot de sauvetage. Six membres de l'équipage, dont les deux survivants de la première tentative de sauvetage, refusèrent de partir. Ils ont été chanceux. Ils aidèrent les 25 autres hommes à se préparer à défier une mer impitoyable. Quelques jours plus tard, une fois que les six derniers hommes à bord du Hestia furent secourus, on découvrit que le canot de sauvetage avait échoué sur les côtes de la Nouvelle-Écosse.

Le canot renversé, avec l'inscription Hestia, se balançait dans les vagues déferlant sur les plages au sud de Yarmouth. Les gens qui ont vite retourné l'embarcation ont fait une macabre découverte. Trois cadavres étaient entremêlés dans les bancs de nage. D'autres continuèrent d'échouer sur les plages au cours des jours suivants. En tout, 30 hommes et 4 garçons périrent. Les cloches des églises de Yarmouth ont sonné au moment où une procession solennelle se dirigeait vers le cimetière local.

Le Hestia transportait une des plus précieuses cargaisons qui devait être déchargée à Saint John cette année-là. Des tapis, du tissu, des cordes et, ironiquement, des pierres tombales étaient éparpillées près de Old Proprietor Ledge. Au cours des années 1970, des historiens ont pu goûter à du scotch de choix. En effet, trois caisses de scotch étaient demeurées intactes et inaltérées au fond de l'océan pendant plus de 60 ans.

La barque Mavourneen

Le naufrage du Mavourneen n'avait rien d'extraordinaire. En 1866, la barque s'est échouée à Bradford's Cove, à l'extrême sud de Grand Manan, au Nouveau-Brunswick, en plein brouillard. Tous les membres de l'équipage ont été secourus. La barque s'est libérée le lendemain à marée haute et a immédiatement coulé.

Ce qui fait de ce naufrage un événement unique, c'est que le navire avait des goussets en acier. Par conséquent, l'épave a conservé une bien meilleure forme que les autres navires naufragés de la même époque. Elle repose 27 mètres (90 pieds) sous la surface. Depuis la fin des années 1960, sa coque est une bonne zone d'essai pour la prospection archéologique sous-marine.

De nombreux artefacts ont été retirés de l'épave. Ils sont maintenant exposés au musée de Grand Manan. En 1984, grâce à une aide financière particulière de la Commission du bicentenaire du Nouveau-Brunswick, cinq plongeurs ont exploré l'épave. Grâce à ce projet, il a été possible de monter à la surface un cabestan de 270 kilogrammes (600 livres), qui servait à monter et à baisser les voiles. On a en ensuite fait don au Musée du Nouveau-Brunswick à Saint John.

Le navire à vapeur Warwick

Tous les membres de l'équipage du Warwick ont survécu au naufrage survenu en 1896 et la majorité de sa cargaison a été retrouvée intacte peu après. À première vue, ce naufrage semble susciter peu d'intérêt. Alors, pourquoi a-t-il fait l'objet d'une couverture médiatique internationale?

Le 30 décembre, il faisait beau, un peu de brume apparaissant à l'horizon. Les membres de l'équipage qui étaient sur le pont du Warwick pouvaient voir jusqu'à 16 ou 17 kilomètres autour d'eux. Vers 21 h 30, on aperçut un feu brillant en face de l'avant tribord. Le capitaine croyait qu'il s'agissait du phare de Brier Island, un feu fixe sur la côte de la Nouvelle-Écosse.

Peu après cette constatation, le capitaine remarqua que les vagues déferlaient sur des rochers devant le navire. Il ordonna immédiatement de faire marche arrière, mais il était trop tard. En quelques minutes, le Warwick s'écrasa contre les rochers, le secouant de l'avant à l'arrière. Le navire glissa le long de l'immense récif pour ensuite s'immobiliser.

Le feu fixe était toujours visible, mais se situait maintenant en face de l'avant bâbord, et semblait se trouver à environ huit kilomètres. Après avoir discuté de la situation, le second officier et le capitaine étaient toujours convaincus que le feu était fixe et qu'il s'agissait donc de celui de Brier Island. Ils étaient perplexes. Ils ne pouvaient s'imaginer où ils s'étaient échoués. De plus, ils auraient normalement dû voir le feu de Cape St. Mary de leur position.

Entre trois et quatre heures du matin, les membres de l'équipage se sont aperçus que le feu fixe semblait clignoter. Après avoir consulté leurs cartes, ils sont ensuite arrivés à la bonne conclusion. Ils avaient vu le feu de Gannet Rock, donc le navire avait échoué à Yellow Murr Ledge.

Le capitaine ordonna alors à tous les membres de l'équipage de prendre place à bord des canots de sauvetage pour se diriger vers le phare. Le court trajet s'est transformé en périple dangereux et ils étaient bien contents d'être secourus par l'équipage de la goélette George S. Boutwell, qui les transporta en sécurité au havre de Seal Cove.

Au cours des quelques jours suivant le naufrage, tous se posaient des questions sur le phare de Gannet Rock : s'agissait-il d'un phare à feu fixe ou à feu tournant? John Kelly, l'inspecteur des phares, a rendu visite à Walter B. McLaughlin à la Southwest Light Station pour l'inciter à confirmer que le feu tournait. Éloquent et reconnu comme étant un homme intègre, M. McLaughlin était un vétéran hautement respecté du service des phares. Le service des phares avait désespérément besoin d'un témoin comme lui. On ne s'attendait cependant pas à ce que M. McLaughlin démontre un penchant pour le suspense.

À la barre des témoins, M. McLaughlin a fait une déclaration qui a eu l'effet d'une bombe et qui a complètement renversé l'orientation de l'enquête. Selon M. McLaughlin, le mécanisme rotatif du phare fonctionnait, mais il était possible que le capitaine Kemp et son équipage croient que le feu était fixe. Selon lui, lorsque le givre se formait sur les fenêtres du phare, le faisceau lumineux était reflété lorsque le signal devait être éclipsé. Afin d'exonérer le capitaine Kemp de tout blâme, M. McLaughlin a fait remarquer que six navires s'étaient échoués au même endroit au cours des 40 dernières années et que leurs capitaines croyaient tous avoir vu le phare de Brier Island.

Gênés par ces conclusions, M. Kelly et la chambre de commerce de Saint John ont demandé au ministère de la Marine à Ottawa de renverser la décision d'exonérer le capitaine. Il s'agissait d'une mesure sans précédent et les ports du monde entier ont soulevé un tollé de protestations. L'affaire a finalement été abandonnée, mais pas avant d'avoir fait l'objet de commentaires cinglants dans les éditoriaux de journaux du monde entier.

La barque Lord Ashburton

Dans le grabuge qui suivit, les 28 membres de l'équipage, dont le capitaine et trois officiers, ont été projetés par-dessus bord. Quelques hommes se sont désespérément accrochés à des morceaux de coque pour se rendre péniblement à la terre ferme. Une rumeur veut qu'un marin chanceux ait réussi à atteindre la plage, épargné par les eaux, en voguant sur un couvercle d'écoutille.

La nouvelle a rapidement fait le tour de l'île. Les villageois ont tout fait pour réconforter les huit survivants. Le lendemain matin, les gens arrivaient de partout pour offrir leur aide. Une horrible tâche les attendait.

Les événements de cette soirée n'avaient plus rien de mystérieux. Le navire partiellement submergé était percé d'un trou béant et les voiles étaient en lambeaux. Des morceaux de vêtements pendaient à des rochers. Des caisses berçaient dans les vagues. Des pièces du bateau autrefois majestueux jonchaient la plage. Les cadavres du capitaine, des trois officiers et des 17 membres d'équipage étaient tous là.

Les braves insulaires ont enterré les victimes au cimetière de North Head. Une plaque de bois fut érigée. En 1910, la communauté a construit un monument permanent, observé une demi-journée de congé et organisé un service commémoratif. Un des survivants, James Lawson, a assisté au service. Conclusion ironique à cette tragédie, ce Danois d'origine était revenu à Grand Manan, avait épousé une insulaire, avait monté une entreprise florissante et est demeuré un membre populaire de la communauté jusqu'à sa mort en 1918, à l'âge de 84 ans.

Bien que le vieux monument de pierre soit maintenant recouvert de mousse, il demeure néanmoins un témoin de la tragédie du Lord Ashburton. Il constitue un monument commémoratif silencieux pour tous ceux et celles, insulaires ou étrangers, qui ont péri dans ces eaux inconstantes.

Le remorqueur Gypsum King

Le Gypsum King a été construit en 1899 à Port Richmond (New York) en vue de transporter du gypse de la Nouvelle-Écosse vers l'est des États-Unis. Au cours des quelques années qui suivirent, le remorqueur a fréquemment traversé la baie de Fundy. Un Néo-Brunswickois de Saint John, Fred Blizzard, en était le capitaine.

Le 15 janvier 1906, le Gypsum King quitta New York pour se rendre en Nouvelle-Écosse, un de ses trajets habituels. Le vendredi 19 janvier, le navire accosta à Eastport (Maine), jetant l'ancre dans le havre inférieur en raison du brouillard. Même si le brouillard était toujours épais, le remorqueur prit la mer vers la fin de l'après-midi. Vers 4 heures le lendemain matin, soit le lundi 22 janvier, le Gypsum King frappa le récif St. Mary Ledge, à l'extrémité de Murr Ledges au large de Grand Manan.

Les 12 membres de l'équipage prirent place à bord de l'embarcation de sauvetage et, avec seulement un compas pour les guider, ramèrent dans l'épais brouillard vers Grand Manan. Ils se sont finalement rendus à Seal Cove. Le brouillard s'était alors quelque peu dissipé. Ils ont donc embauché le propriétaire d'un navire pour les ramener à Eastport afin de se procurer un remorqueur et retourner au Gypsum King.

Lorsque les membres de l'équipage se rendirent compte qu'ils ne pourraient pas sauver la majeure partie du navire naufragé, ils décidèrent de vendre l'épave au capitaine John Ingersoll, de North Head, pour la modique somme de 175 $. La plupart des gens croyaient que l'épave était presque sans valeur et le capitaine se disait d'accord. Il avait cependant l'oeil sur le projecteur électrique du remorqueur ainsi que sur d'autres précieux accessoires. Malheureusement, son investissement a bien mal tourné. La semaine suivante, sans que les spéculateurs aient vraiment eu la chance de dépouiller l'épave de quelques morceaux intéressants, un vent fort s'est abattu sur Murr Ledges. Le Gypsum King glissa du récif, se brisa et disparut sous les vagues, où il est demeuré sans être touché pendant plus de 60 ans.

À la recherche d'accessoires en cuivre ou en laiton, deux plongeurs de la région ont été les deux premiers à visiter l'épave en 1968. Ils ont plutôt découvert des artefacts extrêmement intéressants, dont le socle du gouvernail en laiton coulé. Bien qu'il pèse environ 113 kilogrammes (250 livres), le socle était trop précieux pour le vendre à la casse. Ils en ont donc fait don au musée de Grand Manan. Le musée a également reçu un petit canon en laiton, qui servait probablement à lancer des cordes sur les autres navires ou barges, afin de tirer le câble de remorque du remorqueur au navire remorqué.

Des élèves de la région ont contribué à la restauration de ces articles. Les artefacts ont été transportés à l'école secondaire, où les élèves ont enlevé des dépôts calcaires à l'aide d'une solution diluée d'acide chlorhydrique. Après avoir bien rincé les articles, les élèves les ont polis pour faire revivre la resplendissante finition originale du laiton. Ils ont ensuite construit des présentoirs en bois pour les mettre en montre. Ces articles sont toujours exposés au musée à l'étage inférieur de la galerie de la marine.

Un des plongeurs décida de produire une illustration de l'épave. La visibilité sous l'eau étant d'environ six mètres (20 pieds), soit très peu compte tenu de la grosseur de l'épave, il a dû la reconstituer de mémoire seulement. Ce fut une tâche extrêmement ardue. Il n'a pas réussi à voir ou à photographier l'épave en entier, mais il a finalement pu créer une image précieuse pour ceux qui n'auront jamais la chance de se rendre au fond de l'océan pour voir l'épave.

La barque Wallace

En observant le grand présentoir en vitre de la galerie de la marine Walter B. McLaughlin du musée de Grand Manan, les visiteurs sont impressionnés par la bonne condition des artefacts provenant de navires naufragés. À l'exception d'un peu de corail ici et là, il est difficile de croire que les théières, les plateaux et les bols ont reposé au fond de l'océan pendant plus de 100 ans. La majorité des artefacts de l'exposition proviennent de la barque Wallace.

La barque a été construite vers 1840 à Saint John, au Nouveau-Brunswick. En avril 1841, avec le capitaine Toohig à la barre, la barque quitta le port de Liverpool en direction de Saint John avec une cargaison comprenant de l'acier et du cuivre pour la fabrication d'accessoires de bateaux, ainsi que plusieurs tonnes de charbon. Elle transportait également diverses autres marchandises, dont des ancres, des moulins à café, des chevillettes, des clous, des épingles, des cuillères, de la coutellerie et même de la peinture.

Cependant, le dimanche 23 mai, la barque frappa un des récifs de Murr Ledges, qui a plus tard été rebaptisé Wallace Rocks. Tous les membres de l'équipage ont survécu, mais le navire naufragé a glissé des rochers et la majorité du navire a coulé à environ 900 mètres (3 000 pieds) en plein à l'est du récif, où l'épave a été découverte en mai 1967 sous 30 mètres (100 pieds) d'eau.

Bien qu'aucune pièce d'or ni aucun coffre au trésor n'ait été retrouvé, certains des artefacts récupérés sont fascinants. Plusieurs articles sont demeurés en condition presque parfaite et fournissent de parfaits exemples du genre de cargaison que recevait le Canada en provenance de l'Angleterre au milieu du XIXe siècle.

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Un monument visant à rendre hommage à 21 étrangers orne un cimetière au sommet d'une colline qui domine la collectivité de pêcheurs de North Head. Les insulaires ne connaissaient pas les membres de l'équipage. Cependant, le récit de cette tragédie est ancré pour toujours dans le patrimoine de l'île. L'une des tragédies marines les plus dévastatrices à être survenues dans la région, le naufrage du Lord Ashburton a été immortalisé dans des peintures et des oeuvres publiées. Le monument de pierre sert à rappeler que la mer, souvent, est sans merci.

Au cours de l'hiver de 1857, le voyage transatlantique de la barque, de Toulouse (France) à Saint John, fut assez tranquille. À moins de 100 kilomètres de sa destination, la barque, propulsée par des vents d'ouragan, se dirigeait vers les sombres falaises de Grand Manan. Les membres de l'équipage ne pouvaient rien faire. Ils attendirent, avec horreur, l'inévitable.